SOMBRE PRÉSAGE

Rien ne se produisit, et la semi-elfe en fut soulagée. Le mécanisme, le sort ou quoi que ce fut l'avait laissée entrer. Elle aurait bien le temps plus tard de se creuser la tête pour savoir ce que cela pouvait bien signifier quant à ses origines ...

Pour l'heure, il fallait se concentrer sur la quête. La meilleure chose à faire semblait être de tirer profit des nombreux trésors présents dans la pièce. Mais par où commencer ? Les fruits étaient intrigants mais ne pourrait pas leur être d'une grande aide sur le long terme, les fioles pouvaient renfermer tout et n'importe quoi, et le grimoire prendrait du temps à parcourir. Non, vraiment, le râtelier d'armes était un bon point de départ. Les arcs étaient fort attrayants, et les lames elfiques étaient magnifiques.

Contrairement aux fioles ou au grimoire, les armes mettaient Nathanaëlle à l'aise. Elle était persuadée, à tort ou à raison, que les armes ne la tromperaient jamais, et qu'elle pouvait s'en saisir sans crainte. Si elle avait choisi de s'approcher des fioles en premier, elle aurait certainement pris plus de précautions. Elle aurait avancé lentement, guettant sur le sol la moindre trace d'une variation de hauteur ou la moindre anomalie, attentive aux éventuels pièges ou mécanismes retors. Elle aurait avancé l'épée en avant, pour pouvoir parer à toute éventualité.

Mais l'envie de voir les armes de plus près, couplée à la confiance que celles-ci lui inspiraient, lui fit oublier toute prudence. Elle traversa la pièce d'un pas vif jusqu'au râtelier d'armes, et se saisit de l'un des arcs.

Reyan, s'il avait été témoin de tant d'imprudence, se serait sûrement tapé la tête contre les murs. Mais heureusement pour la semi-elfe, il n'en vit rien.

Nathanaëlle était une guerrière, une fonceuse, qui ne s’embarrassait pas de longues réflexions ou de discussions intérieures. Elle se choisissait un objectif et fonçait droit au but. C'était l'une de ses qualités. Peut-être l'un de ses défauts également. C'est pourquoi, sans hésiter, elle se précipita vers le râtelier d'armes et sans même réfléchir une seconde aux conséquences de son acte, se saisit d'un des deux arcs elfiques.

[HRP] Nathanaëlle doit lancer 1 dé 12 sous la table Événements pour savoir ce qu'il arrivera lorsqu'elle saisit l'arc [/HRP]

Reyan, lui, était un roublard, réfléchit, pensant sans-cesses le pour et le contre, les origines et les répercussions de tout acte. Et même s'il était assez doué et plutôt rapide dans ce domaine, la prudence restait l'une de ses meilleurs qualités. Mais peut-être cela pouvait-il aussi devenir un défaut. Tandis que son camarade magicien se morfondait au fond de son trou, voilà qu'il hésitait à se saisir de la corde salutaire qui aurait pu être utile à Donovan. Tout à sa méfiance habituelle, il préféra laisser tomber une piécette dans le coffre pour s'assurer de sa sécurité.

[HRP] Reyan doit lancer 1 dé 12 sous la table Événements pour savoir ce qu'il arrivera lorsqu'elle la pièce tombe dans le coffre [/HRP]

Lancé de 1 dé 12 sous la table Événements pour savoir ce qu'il arrive lorsqu'elle saisit l'arc

**Messages** : 90

Le membre 'Nathanaëlle' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'D12' : 8

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8 = Évènement bénéfique mineur (petite trouvaille, nuit de sommeil ...) [/Hrp]

En s'emparant de l'arc de bois, Nathanaëlle aurait très bien pu déclencher un piège, une catastrophe, un raz de marée, une tornade, un cyclone... mais il n'en fut rien. La guerrière se retrouva là, telle qu'elle était quelques secondes auparavant, un arc de belle facture dans les mains. Le bois lisse et sans défaut était d'un brun clair, taillé avec soin, ciselé, poncé et laqué avec tout le savoir faire antique des maîtres artisans elfiques. La corde était fait de cheveux elfiques, sélectionnés et tressés. Il n'y avait rien de plus solide au monde. Enfin, sur toute la face intérieur de l'arme courraient des symboles délicats, lettres elfiques racontant les prouesses d'un archer de renom.
En saisissant l'arc, Nathanaëlle fit tomber un petit parchemin plat, sans doutes coincé derrière l'arme. Voletant jusqu'à terre, il tomba à ses pieds où il reposa, face visible vers le haut. Écrit en belles lettres elfiques, le titre disait "parchemin de savoir" et plus bas, on pouvait lire : "Objet magique à utiliser en cas de doutes. Énoncez à voix haute votre dilemme et la réponse vous apparaîtra. Usage Unique. "

Lancé de 1 dé 12 sous la table Événements pour savoir ce qu'il arrivera lorsqu'elle la pièce tombe dans le coffre

**Messages** : 90

Le membre 'Reyan' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'D12' : 10

10= Évènement Bénéfique pour un membre de l'équipe (soin, trouvaille ...)

La piécette quitta les doigts agiles du roublard pour tomber dans le coffre. Elle rebondit une fois contre une des bouteilles, faisant voler un peu de poussière. Elle rebondit une seconde fois sur la torche, arrachant un minuscule copeau de bois. Son dernier rebond fut étouffé par l'épaisse cape de laine et elle alla finalement rouler au fond du coffre, entre les tours de la corde.
Il y eut quelques secondes de silence. Et rien. Pas de catastrophe, pas de piège, pas de mort violente. Il faut croire que Reyan était aussi en veine que Nathanaëlle, ou alors les Dieux avaient voté en leur faveur. Toujours est-il que le roublard ne déclencha rien de fâcheux avec sa pièce. Au contraire...
Après quelques secondes de silence, un sourd bruissement commença à se faire entendre. Comme un grondement venant du sol. Comme si... comme si le sol bougeait. Et c'était le cas. Lentement mais sûrement, sans à-coups, Donovan remontait vers la surface comme la fosse dans laquelle il se trouvait remontait doucement jusqu'à s'arrêter au niveau du sol.

La respiration en suspend, le regard alerte et tous les sens en éveil, prêt à bondir au moindre signal, le roublard regardait se piécette tomber. Au premier rebond, ses doigts se crispèrent. Au second, sa bouche s'étira sur un sourire nerveux. Au troisième enfin, tout son corps se détendit. Il regarda la petite pièce rouler jusque dans les tours de la corde lovée et s'arrêter là, comme une invitation.
Cette fois, un sourire franc illumina son visage. Fatum, le Dieu de la chance et du hasard semblait être avec lui. Posant sans crainte la main gauche sur le rebord du coffre, il tendit la droite pour se saisir de la corde lorsqu'un léger bruit derrière lui le fit se crisper.
Lentement, il se retourna.

Il en fallait beaucoup pour surprendre le roublard. Noctambule habitué aux ennuis et aux situations compliqués, amoureux des imprévus et calculateur de génie, Reyan imaginait, calculait, prévoyait et même la plus improbable des situations avait été envisagée dans son esprit avant qu'elle ne se produise. Il n'était donc jamais vraiment surpris de ce qui arrivait autour de lui. Oui, il en fallait beaucoup pour surprendre le roublard.

Et pourtant....

Et pourtant c'est la surprise qui écarquilla ses yeux noisettes à cet instant. Car au cours de ses savants calculs de probabilité, de son étude de scénarios, jamais il ne s'était imaginé que sa petite pièce puisse déclencher un tel mécanisme. Mais Donovan remontait bien de son trou vers la surface, à mesure que le sol, sous ses pieds s'approchait du sol de la salle et bientôt le magicien pourrait de nouveau bouger, comme si rien n'était jamais arrivé.
Reyan en resta coi un instant, les doigts en suspends au dessus de la corde qui ne lui serait maintenant plus d'aucune utilité. Quoi que... Il se ressaisit. De un, sa pièce n'y était peut-être pour rien. Le mécanisme du piège pouvait très bien avoir été prévu pour une certaine durée. De deux, puisque le magicien était libre, ils allaient pouvoir se remettre à l'exploration de la salle. Et de trois, une corde était TOUJOURS utile.

Il attrapa donc la corde et la passa, lovée, à un des mousquetons qui pendaient à sa ceinture. Il prit aussi la torche -on ne sait jamais- puis se pencha pour saisir une des bouteilles. D'un geste de la main, il chassa la poussière qui recouvrait l'étiquette pour tenter d'y lire une information sur son contenu.

Tandis que le roublard se remettait de sa surprise, le sol continuait de monter sous les pieds de Donovan. Et après quelques secondes de grondement sourd, un petit CLAC se fit entendre, comme le piège se rebouchait, laissant le magicien là où il se tenait quelques minutes plus tôt, debout sur le sol de la salle, à côté de Reyan.
Ce dernier, fidèle à lui-même, à peine remis de sa surprise, avait déjà le nez -et les mains- dans le coffre. Sans surprises, il s'empara de la corde, délaissa les capes, mais empocha la torche, puis s'intéressa de près aux bouteilles qui se trouvaient au fond du coffre. Faites dans un verre mat soufflé et modelé à la main, elles comportaient toutes la même étiquette que le roublard put déchiffrer après avoir chassé la poussière d'un revers de main. Quelque peu effacé par le temps mais encore lisible, une main habile avait tracé en lettres cursives "Hydromel" et, en plus petit, en dessous, on pouvait également lire "vieillit en fut - 30 ans".

Après des minutes qui paraissaient des heures (ou des semaines, désolé ^^) le jeune mage s'élevait. Aucune magie dans cet événement, seulement de la mécanique. Donovan ne savait pas comment il était monté mais il se sentait stupide d'être tombé dans un piège si stupide. Tout en montant, il vérifia qu'il n'avait rien perdu dans sa chute. Il avait sa gourde, son sac de biscuits. Lorsque sa tête dépassa le sol, il remarqua Reyan qui était affairé près d'une boîte. Il comprit que c'était ce dernier qui l'avait aidé à remonter. Même s'il ne l'avait pas en grand estime au début de leur rencontre, il commençait à apprécier le roublard. Il semblait de confiance et sérieux. Tout en montant, il regarda autour de lui, le bureau qui l'avait fait tomber, le râtelier, une bibliothèque et maintenant un coffre dont Reyan avait dû se servir pour l'aider. Le sol se reforma, un CLAC se fit entendre, le jeune mage était de retour. Son louveteau réapparu à ses pieds et tournait autour de lui et passait entre ses jambes. Donovan se pencha et caressa l'animal en lui souriant. Puis il se releva et avança vers Reyan.

- Merci vieux, je ne sais pas comment tu as fait mais merci beaucoup, je te revaudrais ça. Est-ce que tu as trouvé quelque chose d'intéressant pendant ma disparition?

Il regarda le coffre, sourit et reposa les yeux sur le roublard.

- Et as-tu des nouvelles d'Arthémise et Nathanaëlle?

Donovan n'avait pas vu les filles depuis un petit moment et il n'avait pas de nouvelles d'elles non plus. Il espérait juste qu'il ne leur soit rien arrivé de mal.

Les mains toujours fourrées dans le coffre, il répondit au magicien :

- Si j'ai trouvé quelque chose d'intéressant... eh bien tout dépend de ce qu'on considère comme intéressant. Mais je peux te dire deux choses : soit d'autres que nous se sont déjà aventurés ici, soit nous étions attendus...

Il laissa sa phrases en suspend, laissant à son compagnon envisager les répercussions possible de cette éventualité. Dans le même temps, ses doigts caressèrent l'étiquette jaunie de la bouteille d'hydromel qu'il avait à la main. Il sourit. De tous les contenus possibles et imaginables, il avait fallu que la chance mette entre ses mains une bouteille de Nectar des Dieux... En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, la bouteille avait disparue sous les plis de la cape du roublard. Bientôt sa jumelle vint la rejoindre.

Enfin, il se releva et se tourna vers Donovan.

- La dernière fois que j'ai vu les filles, elles étaient encore au carrefour, en train de... de quoi d'ailleurs... Ah les filles ! Toujours a tergiverser pendant des heures... Bref, j'espère qu'elles ne sont pas parties sans nous. Ou qu'elles ne sont pas tombées dans un piège.

Quoi-que...Pensa-t-il en imaginant avec plaisir la guerrière l'appeler désespérément du fond d'un trou profond. Il secoua la tête, chassant cette idée saugrenue, bien que très amusante, de son esprit.

- Bon ! Revenons aux choses sérieuses ! Lança-t-il en se plantant au milieu de la salle, poings sur les hanches. Tu préfères quoi ? La bibliothèque, Le secrétaire ou le râtelier ? Demanda-t-il au jeune mage. A moins que ton expérience de ces dernières minutes ne t'aie refroidie et que tu préfères sortir d'ici ?

L'alternative qu'évoquait Reyan ne semblait pas positive. Soit des gens étaient venus avant eux, soit des gens avaient préparé le chemin pour eux. Dans la première situation, l'une des questions principales étaient: que sont devenues les personnes d'avant? Avaient-ils réussi à sortir et avaient poursuivi leur route ? Étaient-ils morts dans cet endroit? Étaient-ils perdus dans les couloirs? Peu importe la situation, rien ne plaisait au jeune mage.. L'autre situation n'était pas idéale non plus; si quelqu'un les attendait il y avait peu de chances que cette personne soit bien intentionnée. Donovan fit le bilan dans sa tête et après réflexion la première option semblait la meilleure.

- Écoute, si tu veux mon avis, il vaut mieux que ce soit des gens qui nous précèdent qui aient laissé ses affaires plutôt que quelqu'un qui nous attends. Cela laisserait minimum deux alternatives. La première, on trouve ces gens et on les aide si possible, la deuxième, on les trouve pas et on les surpasse.

Il tenta un sourire mais se souvint qu'il y a à peine 10 minutes il était au fond d'un trou. La réponse du roublard au sujet des filles inquiéta légèrement Donovan qui appela Eldurulfur. Ce dernier apparu et s'assit à côté de son maître. Le jeune mage se tourna vers Reyan pour lui indiquer que la bibliothèque l'intéressait et qu'il allait l'étudier de plus près en faisant attention. Puis il s'agenouilla à côté de son louveteau et lui demanda de trouver les filles et de voir si elles ont besoin d'aide.

Le louveteau traversa la ligne magique et se mit à la recherche des filles. Il vit Nathanaëlle et aboya légèrement pour attirer l'attention de la semi-elfe. Ne voulant pas traverser la ligne magique il fit un tour sur lui même en "souriant" et parti à la recherche d'Arthémise. Il se mit à parcourir les couloirs, il la trouva relativement rapidement et aboya pour prévenir la jeune femme de sa venue. Arrivé à hauteur d'Arthémise, le louveteau ralenti le pas et avança avec elle.

La bibliothèque, objet de l'intérêt du jeune mage, recouvrait entièrement le mur du fond de la petite pièce. Ses rayonnages de bois sombre, au nombre de huit, s'étendaient du sol au plafond, du mur de gauche à celui de droite. Chaque étagère semblait rassembler un nombre différents de volumes tant la taille, l'épaisseur, le style des ouvrages qui les recouvraient étaient différents. Mais, à bien y regarder, un classement semblait tout de même exister.
En s'approchant de la bibliothèque, Donovan ne manquerait sûrement pas de remarquer que les livres du haut, sous le plafond traitaient tous de maladies diverses, de "Grandes Pandémies Sinastriennes" à "La Peste, ce fléau" en passant par le "Traité des maladies infectieuses" de Mavrik Maktor.
L'étage inférieur semblait rassembler des ouvrages de poésie, allant de "Ôde à ma mère" de Kenil Millette à "Petits Poèmes en hiéroglyphes". Certains rouleaux ou parchemins décorés de calligrammes se glissaient même entre les livres.
Le sixième étage, plus petit que les autres, ne rassemblait que des ouvrages miniature tels des carnets, livres de poches ou minuscules parchemins secrets. D'ailleurs ils étaient si tassés que les titres de la plupart d'entre eux n'étaient pas lisibles.
Au contraire, la cinquième étagère était la plus grande. D'énormes volumes, hauts et reliés de cuir pour la plupart, se côtoyaient, créant un affaissement de la planche de bois en son milieu. Il s'y trouvait les six volumes de l'"Encyclopedia Sinastria", deux exemplaires bien conservés du "Traité des Dieux - ou Arcanes secrets de la Création de Sinastra" ou encore le fameux "Guide Barjow de la Cité Blanche".
En dessous de ces énormes volumes se trouvait un étage fourre-tout rassemblant des tas de parchemins solitaires empilés à la va-vite. Sur les premiers, malgré la poussière, on pouvait lire "Mémoire de Magie Avancé Cycle 3 -par Tamoti Panchel", et "Rapport de stage en Apothicairerie - par Marv Dragonel, sixième année".
L'étage inférieur semblait dédié aux produits du terroirs et on y trouvait entre autre, des livres de recette sinastriennes, des manuels de confection de Tourtes du Soleil, des guides pour distiller chez-soi son propre hydromel et un petit ouvrage sur les bienfaits du lait de Yack pour la santé.
Les deux derniers étages, tassés au ras du sol, rassemblaient, semblait-il, tout ce que la cité comptait de littérature enfantine et folklorique. Contes et légendes, histoires enchantées, livres pour enfants, syllabaires elfiques ou démoniaques.

-Si tu veux mon avis, il vaut mieux que ce soit des gens qui nous précèdentRépondit Donovan.

Reyan comprenait le point de vue du jeune mage. Il le comprenait, mais ce n'était hélas, qu'une possibilité parmi tant d'autres. De plus, une bande d'aventurier les précédant ne signifiait pas forcément plus de sécurité. Ils pouvaient aussi avoir déserté leur quête et les attendre quelque part, au détour d'un couloir sombre, prêts à leur tomber dessus.
Le roublard ne dit rien de cette pensée fugace qui venait de lui traverser l'esprit et, poings sur les hanches, embrasa la pièce du regard. Donovan semblait décidé à étudier le contenu de la bibliothèque. Il lui restait donc deux possibilités.

-Je te laisses t'occuper de la bibliothèque alors. Fais-moi signe si tu trouves qui que ce soit d'intéressant. Moi, je vais me charger de...

Son regard glissa lentement sur le râtelier, s'attardant sur les dagues et poignards. Avec une petite grimace, il détourna les yeux. Non, c'était trop évident, trop dangereux et ses talents pouvaient faire des merveilles ailleurs.

- ... du secrétaire. Les tiroirs fermés, c'est mon affaire. Annonça-t-il finalement en faisant craquer ses doigts.

Il jeta un dernier coup d’œil aux lames brillantes sur sa droite puis leur tourna résolument le dos pour se concentrer sur le secrétaire.

Le meuble vers lequel se tournait le roublard était de simple facture. Taillé d'une seule pièce dans un bois clair et léger, il comportait un plateau à hauteur de hanches d'un homme adulte, reposant sur deux pieds du côté gauche et sur un coffrage abritant trois tiroirs sur le côté droit. Chacun des tiroirs s'ornait d'une serrure d'apparence simple et sans fioriture et d'une poignée de métal sombre ternie par les ans et recouverte de poussière. D'ailleurs, le secrétaire dans son entièreté était tout poussiéreux. Même le parchemin qui trônait sur le plateau était recouvert d'une fiche couche de poussière, rendant impossible toute lecture de son contenu. Seules la première lettre, une magnifique lettrine calligraphiée et ornée de couleurs vives était visible. Au dessus de la feuille, posée à même le bois du secrétaire, une belle plume d'oie à la pointe noire d'encre séchée côtoyait un petit encrier de verre également recouvert de poussière.

Donovan observait les ouvrages disposés sur les étagères. Rien de passionnant pas inutile, il était important de connaitre les maladies et d'autres trucs médicaux mais ce n'est pas ce dont ils avaient besoin en ce moment. Il passa les ouvrages de poésie qui ne l'intéressaient pas du tout. Il s'arrêta sur l'étage des encyclopédies et posa ses yeux sur le Guide Barjow, il le prit en main et se tourna vers Reyan.

- Dis, il s'appelle pas Barjow le vieux cinglé qui nous a envoyé ici?

Il prit l'ouvrage et le leva pour le montrer à Reya tout en lui tournant le dos.

Il avait le regard fixé sur l'ouvrage sur la magie. Il se demandait s'il y avait des choses d'écrites sur sa situation, surtout vis à vis de son louveteau. Il ne savait pas grand chose sur l'animal mais il était curieux et peut-être que s'il en savait plus, il arriverait à discuter avec et même à se faire écouter.

Donovan s'éloigna de la bibliothèque et se rapprocha du roublard pour lui présenter le livre et pour savoir s'il avait trouvé quelque chose d'intéressant. Donovan regarda le secrétaire, il remarqua la poussière sur le parchemin couvert de poussière et trouvait cela dommage de ne pas pouvoir le lire. Il posa le livre à côté pour que Reyan le remarque et sorti un mouchoir de sa poche. Il essuya doucement le parchemin en espérant pouvoir le rendre lisible.

- Dis, il s'appelle pas Barjow le vieux cinglé qui nous a envoyé ici? Demanda Donovan dans son dos.

Il eut envie de soupirer. Non seulement cette question l'empêchait de se concentrer sur le secrétaire qui se trouvait devant lui, mais en plus, elle lui paraissait totalement inutile à l'instant présent. Il eut pendant quelques secondes, envie de répondre quelque chose de sarcastique comme "non, c'est ma grand-mère". Mais il respectait trop sa grand-mère Rowena Armor -De Ker Brisac pour se servir d'elle ainsi.
Il prit une petite inspiration. Assez faible pour que son compagnon ne l'entende pas, mais assez forte pour lui permettre de chasser ses idées et de se reconcentrer.

Un vieux parchemin poussiéreux. Un encrier et une plume. Trois tiroirs aux serrures métalliques. Mécanisme d'apparence plutôt simple... en fait, tout lui paraissait trop simple. Il pourrait souffler sur le parchemin ou l'essuyer d'un revers de manche mais cela paraissait trop simple. Il aurait pu ouvrir l'encrier et y plonger la plume mais cela lui paraissait trop simple. Il aurait pu ouvrir les tiroirs à l'aide d'un simple coup du plat de la main bien placé, mais cela lui paraissait trop simple.
Il devait y avoir un piège quelque part. Un sortilège, un maléfice ou tout autre attrape-nigaud pour punir le benêt qui se serait risqué à faire quelque chose. Il avait connu de nombreuses situations de ce genre et il s'était toujours promis de ne jamais le nigaud qui se faisait attraper. Mais aujourd'hui c'était différent. Il n'était plus seul.

À ce moment précis, Donovan posa un énorme volume sur le secrétaire, manquant de le faire sursauter et dégagent un petit nuage de poussière. L’œil averti du roublard attrapa le titre du livre entre deux volutes de poussières. "Le Guide Barjow de la Cité Blanche". Intéressant. L'information se rangea dans un coin de sa mémoire, tandis qu'il énonçait mentalement des excuses au jeune mage. Finalement sa question sur le vieux fou n'était pas si absurde. Il tourna le regard pour le faire remarquer à Donvan mais les mots restèrent bloqué dans sa gorge.

Car, avant même qu'il eut le temps de dire ou de faire quoi que ce soit, son compagnon venait de poser une main sur le parchemin et, d'un coup délicat de mouchoir, d'en effacer la poussière.

Reyan se figea et ravala ses excuses. Ce type était peut-être un nigaud après-tout. Une fois ne lui avait pas suffit. Voilà qu'il recommençait. Mais cette fois, Reyan était juste à côté de lui. Si piège il y avait, ils y tomberaient tous les deux.

Sourire crispé et poings serrés, il attendit en silence que quelque chose se passe.

Sans doute y avait-il un dieu pour les naïfs et les imprudents, car aucun piège ne se déclencha lorsque la semi-elfe posa la main sur l'arc. Elle en fut enchantée ; son amour-propre n'aurait pas toléré que le roublard apprenne, d'une façon ou d'une autre, qu'elle s'était montrée imprudente car aveuglée par la beauté d'une arme ... Et quelle arme ! L'arc était magnifique, et Nathanaëlle ne se lassait pas de faire courir ses doigts sur le bois si gracieusement taillé, de lire les inscriptions à l'intérieur de la courbure, dont les caractères anciens et nobles lui rappelaient son enfance ... Mais elle ne pouvait pas se permettre de rester là à ne rien faire. Aussi passa-t-elle l'arc en bandoulière autour de son épaule gauche, tout en accrochant dans son dos un carquois rempli de flèches, puis elle recula d'un pas pour décider de ce qu'elle ferait ensuite. Un bruissement venu du sol lui fit alors baisser la tête.

Sous son pieds se trouvait une feuille de parchemin jaunie par les années. D'où venait ce papier, elle n'en savait rien. Elle était certaine cependant qu'il ne se trouvait pas sur le sol de la pièce lorsqu'elle était entrée, il y avait donc fort à parier qu'il était tombé depuis, probablement au moment où elle avait pris l'arc. Avec plus de précautions qu'elle n'en avait manifesté jusqu'à présent, elle ôta son pieds du parchemin et en déchiffra l'en-tête : "Parchemin de savoir". Voilà qui semblait intéressant. Ne voyant là ni maléfice ni danger, et désireuse d'en savoir plus, elle se pencha et ramassa du bout des doigts le parchemin. "Objet magique à utiliser en cas de doutes. Énoncez à voix haute votre dilemme et la réponse vous apparaîtra. Usage Unique."
Elle resta un instant silencieuse, abasourdie par cette découverte. Un objet de la sorte leur serait sans aucun doute fort utile dans la suite de leur aventure ! L'elfe était chanceuse d'avoir trouvé pareil trésor. Elle sourit intérieurement, anticipant le moment où elle pourrait annoncer à ses compagnons - et à Reyan en particulier - qu'elle avait trouvé un parchemin magique. Non seulement le voleur ne saurait jamais qu'elle avait été imprudente, mais il lui devrait des remerciements pour avoir trouvé un objet si utile ... Elle savourait l'instant d'avance.

Un regain de sérieux la poussa à agir. Un regard circonspect autour d'elle lui rappela que les objets intéressants ne manquaient pas dans cette pièce, et qu'elle se devait de les examiner. Peut-être trouverait-elle encore un ou deux objets utiles ...
Les fruits sur leur mur paraissaient appétissants mais étrangement inadéquats dans cet endroit. Dans le sous-sol d'une bibliothèque, aux murs de pierre sombres et humides, une telle profusion de délices attrayants avait de quoi troubler. Méfiante, la semi-elfe décida de ne pas s'en approcher.
Les fioles sur le mur opposé ne lui inspiraient pas confiance. Oh bien sûr, elle devrait les examiner mais la tâche lui répugnait, pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas très bien, et elle préférait la garder pour plus tard. Le grimoire en revanche pouvait receler des secrets ou même mieux, les réponses à leurs questions. Elle traversa la pièce en quelques pas agiles, et sans s'être laissé le temps d'y réfléchir à deux fois, elle posa la main sur le grimoire. Si un piège devait se déclencher, qu'elle perde ou non son temps à observer les lieux, la consistance du sol, l'espacement des dalles ou les pages du grimoire n'y changerait pas grand-chose.

Forte de cette conviction, elle attendit, aux aguets, que quelque chose se produise.

Sourire crispé et poings serrés, Reyan attendait en silence que quelque chose se passe.

Et nul n'aurait pu lui en vouloir de réagir de la sorte. Après-tout, il s'en était passé des choses depuis leur entrée dans ce souterrain. Ils en avaient vécu des dilemmes et des des moments cruciaux. Ils en avaient affrontés des pièges... d'ailleurs Donovan aurait du s'en souvenir car sans le roublard, il croupirait toujours au fond de son trou à l'heure actuelle, au lieu de batifoler au milieu des livres et épousseter des parchemins. Mais voilà, soit le mage avait la mémoire courte, soit il était trop excité par sa récente trouvaille pour réfléchir. Et ce qu'il avait fait, il avait fait. Impossible de revenir en arrière.
Et ce qui devait arriver arriva.
La poussière céda lentement la place à une écriture ronde et élégante, quoi qu'un peu tremblante, dévoilant à la vue du roublard et du jeune mage, les premières lignes d'une lettre étrange.

Mon cher Barj,
Je sais que tu est trop occupé pour remarquer l'amour que tu me portes. Et pourtant, je n'ai cessé de multiplier les marques d'affection à ton encontre. Las, tu n'as jamais répondu à mes lettres ni à mes poèmes. Tu n'as jamais chantonné les airs que j'entonnais sur ma harpe. Tu n'as jamais mangé les biscuits en forme de cœur que je t'ai cuisiné. Tu n'as jamais bu les filtres d'amour que je t'ai concocté.
Aujourd'hui, j'ai décidé de tirer un trait sur notre histoire... à sens unique. Je te quitte, je pars, je m'en vais et parce que l'amour bafoué d'une femme est bien trop dur à endurer seule, je veux te faire souffrir. C'est pourquoi je t'ai volé ce que tu avais de plus cher. Cette chère encyclopédie à laquelle tu tenais tant.
Adieu, mon amour. Ou peut-être à bientôt, si jamais tu réagis avant qu'il ne soit trop tard.
Je t'aime, je te déteste,
Linotte Folette.

Pendant que les deux comparses déchiffraient l"étrange lettre du secrétaire, Nathanaëlle, elle aussi attendait.
Oh, ç'aurait-été une erreur de penser qu'elle attendait de la même manière que Reyan, car ce n'était pas l'anxiété ou l'exaspération qui la faisait attendre mais plutôt la curiosité. Et elle fit bien. De pauser les mains sur le grimoire. Pas d'attendre. Cela ne sert à rien d'attendre devant un grimoire. Ils ne risquent pas de vous sauter à la gorge. Quoi que... je me souviens d'un "Monstrueux livre des monstres" qui mordait son propriétaire.
Celui ci ne mordait pas, comme la guerrière put s'en apercevoir. C'était un vieux livre tout à fait ordinaire, dont le titre, on ne peut plus explicite, se devinait sur la couverture de cuire poussiéreuse :

Traité de nébulogie avancé à l'usage des vieux gâteaux.
ou comment interpréter les signes nébuleux quand on est un vieux sage enfermé dans une bibliothèque.