EAUX TROUBLES

Gaspard et Gertrude échangèrent un regard. Un long regard. Un très long regard... Finalement rompu par la femme qui haussa les épaules. L'homme se gratta le crâne d'un air d'ignorance puis, lentement, comme s'il n'était pas encore sûr de la marche à suivre et qu'il pesait toujours intérieurement le pour et le contre, il donna son arme à sa femme, chargea Gaston toujours inconscient sur ses épaules et remonta les marches du perron. Avant de disparaître dans la masure, il se retourna une dernière fois et toisa Nathanaëlle et ses camarades d'un air mauvais. Nul n'aurait pu se méprendre sur le sens de ce regard.

Gertrude, restée seule, lança un coup d’œil discret vers la porte, espérant sans doutes que son mari reviendrait vite. Mais elle reprit vite contenance et adressa à Nathanaëlle un regard mauvais. Elle serrait tellement fort son arme que les jointures de ses doigts en étaient blanches.

Ils n'eurent pas à attendre longtemps car bientôt Gaspard revenait. Il reprit son arme et sa place devant a porte puis, semblant se rappeler la requête de la jeune elfe, il pointa son gourdin sur Nathanaëlle.

- Toi ! Maddy va t'rcevoêr ! Seule ! Ajouta-t-il en menaçant les autres de son arme.

Puis il s'effaça pour laisser entrer la guerrière tandis que sa femme refermait la porte derrière eux.

Nathanaëlle regarda Gaspard entrer dans la maison et en ressortir, se débarrassant de son encombrant paquet au passage. Tout le temps que dura l'opération, Gertrude ne la lâcha pas du regard. L'ambiance commençait à devenir lourde lorsque le premier des trois brigands revint et l'invita à entrer, de la façon la plus courtoise et polie qu'il lui ait été donné d'entendre. Devant tant de bienséance et de considération, la semi-elfe ne put faire autrement que d'accepter l'invitation.

D'un pas assuré masquant sa réticence, elle combla les quelques mètres qui la séparaient des truands et, passant devant Gertrude qui la gratifiait toujours d'un regard chaleureux, elle ne put s'empêcher de penser que les personnes qui l'entouraient étaient décidément parmi les plus sympathiques qu'elle ait jamais rencontrées. Elle s'imagina prendre le thé en leur compagnie dans le petit jardin de sa maison et rit intérieurement de cette pensée si déplacée. Faire de l'humour ne lui ressemblait pourtant pas.

Lorsqu'elle voulut rassembler le courage dont elle disposait, Nathanaëlle s'aperçut qu'elle n'en avait pas besoin. En fait, elle avait déjà connu des situations bien pires que celle-ci. Certes, les gaillards qui lui faisaient face étaient loin d'être inoffensifs, mais elle avait à ses côtés deux amis qui avaient déjà fait leurs preuves au combat. Et puis, elle n'était pas totalement désarmée : il lui restait la magie. Bien qu'elle répugnât à l'utiliser, elle saurait laisser ses scrupules de côté si la situation l'exigeait.

La semi-elfe ajouta un demi-sourire qui qu'elle voulait confiant et assuré à sa panoplie de la parfaite guerrière courageuse, et elle entra devant Gaspard dans la sombre maisonnée. Gertrude referma la porte derrière eux, et, le temps que se yeux s'habituent à la différence de luminosité, Nathanaëlle dût tâtonner dans l'obscurité pour pouvoir avancer sans heurter un meuble. Cela dura quelques secondes, puis sa vue s'habitua et elle crut distinguer une silhouette voûtée qui lui faisait face, à quelques mètres de distance.

La jeune fille ne pût empêcher sa voix de trembler un peu lorsqu'elle demanda :

- Maddy ? Est-ce vous ? Êtes-vous bien celle que l'on appelle Maddy La Rogue ?

L'intérieur de la bicoque était sombre et il régnait une forte odeur d'ail et de moisi.
Les rares fenêtres obstruées par des planches ne laissaient entrer aucune lumière, laissant tout le loisir aux parasites en tous genres, mousses et champignons, de s'installer sur les murs autrefois blancs. Le parquet, vieux et sale, était recouvert d'une épaisse couche de poussière dans laquelle apparaissaient des sillons reflétant le passage fréquent d'une ou plusieurs personnes.

De part son ascendance elfique, Nathanaëlle bénéficiait d'une bonne vue nocturne et put donc, au bout de quelques secondes, discerner sans peine ce qui se trouvait dans la maison. A savoir... pas grand chose. La porte par laquelle elle était entrée donnait sur une grande pièce très peu meublée : trois bibelots biscornus sur un manteau de cheminée poussiéreux, une table basse recouverte de grimoires et une chaise d'osier renversée. Sur le mur de droite, on pouvait distinguer, côtes-à-côtes, deux portes closes, sous un escalier auquel il manquait presque une marche sur deux.

Au centre de la pièce, à quelques mètres à peine de la jeune elfe, trônait un immense fauteuil. Sur ce fauteuil, comme l'avait remarqué Nathanaëlle, se tenait une femmes extrêmement vieille et laide. Voutée par le poids des ans, Maddy la Rogue levait un regard luisant sur la guerrière.

- Ça dépend de qui la demande. Répondit-elle à Nathanaëlle d'une voix semblable à un croassement. sache, jeun fille, que l'on commence par se présenter, avant de poser une question. Et attention ! Ajouta-t-elle en se penchant en avant.Je ne te demande pas juste de me donner ton nom ! Dis-moi qui tu es et je te dirai qui je suis.

Et elle se laissa tomber en arrière, ses doigts crochus noués aux accoudoirs du fauteuil, ses yeux globuleux luisant dans l'obscurité.

Nathanaëlle retint de justesse un sursaut d'étonnement. La voix de la vieille femme l'avait surprise, et les mots qu'elle avait prononcés n'étaient pas non plus ceux attendus. Maddy était visiblement quelqu'un de méfiant, mais aussi de sage. Et la semi-elfe avait manqué à tous ses devoirs. On lui avait pourtant dit et répété, durant l'enfance, que la première chose à faire lorsque l'on rencontrait quelqu'un était de se présenter en bonne et due forme. Mais, la sorcière attendait d'elle plus que son nom, et la jeune fille ne voyait pas quoi lui répondre. Elle se remémora les raisons de sa venue ici et l'importance de sa tâche, et résolut de passer outre ses doutes pour tenter de satisfaire Maddy.

- Je me nomme Nathanaëlle d'Aymery de Felyzya. Je suis une semi-elfe, par mon père. J'ai eu une enfance plutôt ... tumultueuse, et de nombreux événements peu joyeux m'ont conduite à tout laisser derrière moi et partir sur les chemins. Je ne dirai pas que je n'ai aucun regret, ce serait mentir, mais je suis heureuse d'avoir pris cette décision car elle m'a menée aux portes de Sinastra. En ce lieu j'ai rencontré des amis qui me sont très précieux, mais aujourd'hui tout notre univers est perturbé. Les eaux de la fontaine, sur la Grand Place, sont devenues noires, et d'aucuns y voient un mauvais présage. Étant inquiète pour la sécurité des habitants et de mes amis et, je dois l'avouer, un peu curieuse aussi, je viens quérir votre avis. L'on dit de vous que vous habitez cette cité depuis plus longtemps que quiconque, et je me demandais si vous aviez déjà vu une telle chose se produire, si vous en connaissiez la signification.

La semi-elfe s'interrompit alors, laissant à son interlocutrice le temps d'examiner sa réponse, et elle se prit à espérer que la vielle femme saurait la renseigner. Elle ne se voyait pas affronter les regards et les reproches de ces enfants à qui elle avait promis d'arranger les choses ...
Le silence s'éternisait, pesant, et l'elfe sentit Digenvez se crisper. Cachée dans sa manche, l'hermine ressentait l'anxiété de sa maîtresse, et celle-ci se força à se calmer. Après tout, Maddy n'était qu'une vieille femme, elle ne devait pas représenter une très grande menace.
Du moins, la jeune fille l'espérait.

Il y eu de longues minutes de silence. Puis, malgré la pénombre, Nathanaëlle put apercevoir Maddy hochant la tête.

- Oui... c'est vrai... De solitaire que tu étais, te voilà bien entourée Nathanaëlle d'Aymery de Felyzya. Dit la vieille femme de sa voix coassante. Toi qui n'était nulle part chez toi, tu s trouvé une maison et tu veux la protéger. Tes intentions sont nobles.

Le silence, de nouveau, emplit la pièce. On n'entendait que la respiration, lente et régulière, de la jeune demi-elfe, et celle, sifflante et rapide de la vieille femme. Ses yeux globuleux luisant dans l'obscurité et semblaient fixer Nathanaëlle, comme cherchant à lire au fond d'elle, au fond de son âme.

Finalement, Maddy éclata d'un rire étrange, à mi-chemin entre le hennissement d'une jument et le grincement d'une porte, qui se termina sur une longue quinte de toux.

- Il est vrai que je vis ici depuis longtemps, très longtemps... bien plus longtemps que la plupart des habitants de cette cité. J'ai connu le Roi Démon, et aussi son prédécesseur. Mais là où tu te trompe, jeune semi-elfe, c'est que je ne suis pas la plus vieille. Il existe une personne qui se trouve ici depuis bien plus longtemps que moi. Une personne qui a déjà vu plusieurs fois ce phénomène dont tu parles.

Elle marqua un pose, les yeux plissés, comme si elle s'apprêtait de nouveau à éclater de rire.

- Jeune fille... veux-tu connaître son nom ? Demanda-t-elle alors en se penchant en avant.

Nathanaëlle marqua un temps d'arrêt. Elle ne pouvait nier qu'elle était déçue. Elle avait espéré, un peu naïvement, qu'il lui suffirait d'aller voir Maddy pour que celle-ci lui donne toutes les réponses qu'elle attendait. Évidemment, les choses n'avaient pas été aussi simples. La jeune elfe sentit l'abattement la saisir. Ainsi donc, il allait falloir recommencer, errer dans les ruelles obscures, affronter des hommes de main pressés d'en découdre, puis poser ses questions, encore, en priant pour obtenir des réponses claires et utiles ...
Elle en était fatiguée d'avance.

Mais, toute cette aventure n'aurait pas été vaine. La semi-elfe aurait au moins pris conscience, grâce à la sorcière, du chemin qu'elle avait parcouru depuis son arrivée à Sinastra. Maddy avait raison, elle s'était fait des amis. Neliel, Yorwan, Lynaëlle, Edwin, Kéa, Arthémise, Anarion, Bloem Natch, et tant d'autres encore ... Certains étaient partis, d'autres étaient restés, quelques uns même s'étaient endormis du sommeil éternel ... Mais tous avaient comptés à ses yeux. Tous l'avaient fait grandir, évoluer, progresser.
Aujourd'hui, c'était grâce à eux qu'elle pouvait affirmer connaître enfin le sens du mot "bonheur".

Maddy avait vu juste aussi quand elle avait dit que la jeune fille avait trouvé une maison qu'elle souhaitait protéger. Sinastra était la cité qui avait accueilli la guerrière, qui l'avait nourrie et choyée, guérie de ses blessures. Une seconde maison, un nouvel endroit où ancrer son cœur et ses souvenirs, de nouvelles terres à explorer. La cité blanche était devenue son monde, son rêve. Pour rien au monde elle ne l'aurait laissée souffrir, être attaquée ou prise pour cible.
C'était ce qui l'avait amenée aujourd'hui à consulter Maddy : des choses étranges étaient en train de se passer, et Nathanaëlle comptait bien découvrir le fin mot de l'histoire.

Et si pour cela il fallait consulter une autre personne ...

- Jeune fille... veux-tu connaître son nom ?

L'elfe n'hésita pas longtemps. Elle avait besoin de réponses. Fixant la vieille dame dans les yeux, c'est d'une voix claire et forte qu'elle exprima sa volonté :

- Oui !

Les yeux de la vieille femme brillaient dans la pénombre tandis qu'elle attendait la réponse de la jeune elfe et l'ambiance était pesante, étouffée. On ne pouvait pas parler de silence dans cette vieille maison, car en plus du plancher et des escaliers qui craquaient, ça grouillait un peu partout. Au sous-sol et derrière les plinthes, entre les murs et au plafond, partout, cela grouillait, suintait et rampait.

Soudain, la réponse de Nathanaëlle se fit entendre, haute et claire. Et le regard de Maddy sembla s'éclairer d'une étrange lueur. Un sourire édenté vint étirer les plis de son visage fripé.

- Bien sûr que tu le veux.... Souffla-t-elle. Sinon, tu ne serais pas là. Je vais te dire le nom de la personne que tu cherches, Nathanaëlle d'Aymery de Felyzya. Oh oui, je vais te le donner... mais ne crois pas que je fais les choses gratuitement. Oh non !

Elle marqua un temps d'arrêt, ses yeux globuleux fixés sur la jeune fille, la respiration sifflante comme si cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas adressé la parole à quelqu'un. Elle se pencha encore plus en avant et fit signe à Nathanaëlle de se rapprocher.

- Donne-moi une informations. Dit-elle alors. Dis-moi quelque chose que je ne sais pas et je te donnerais le nom de la personne qui pourra t'aider. Mais si tu peux pas... -elle se renfonça dans son fauteuil, les mains jointes devant elle- ... si tu ne peux pas, alors je demanderais à mes chers petits neveux de te raccompagner gentiment vers la sortie.

Mais le sourire mauvais qu'elle arborait en prononçant cette dernière phrase laissait penser qu'il s'agissait exactement du contraire.

Nathanaëlle soupira. Évidemment. Elle avait pensé, à entendre les premiers mots de la vieille femme, qu'elle allait pouvoir continuer sa quête et se rendre immédiatement chez la personne dont il était question.
Mais non, il fallait payer.
À la réflexion, cela paraissait logique, ou du moins légitime. Le monde n'avait-il pas toujours fonctionné de la sorte ? Pour obtenir une chose, il fallait en donner une autre. Après tout, si Maddy donnait des informations à la semi-elfe, il était fort probable qu'elle en donne aussi à d'autres personnes. Or, d'où obtenait-elle ses informations ? Des personnes qui lui en demandaient.

La guerrière soupira de nouveau. Elle savait des choses, bien sûr, elle entendait les rumeurs qui circulaient dans la cité, mais comment savoir ce qui était susceptible d'intéresser la sorcière ? Plus important encore, parmi toutes les connaissances de l'elfe, lesquelles étaient inconnues de la vieille femme ?
Y avait il un domaine particulier qui l'intéressait ? Si Nathanaëlle lui parlait de la migration des libellules, estimerait-elle que cette information était valable ? Il y avait peu de chances ... Si c'était bien pour satisfaire ses autres clients que Maddy voulait apprendre quelque chose, elle serait sûrement plus intéressée par un potin ou un scandale étouffé ...

La guerrière n'était pas sûre de pouvoir satisfaire cette demande. Elle n'avait jamais été fine psychologue, c'était même le contraire, à tel point que les relations existant entre deux personnes lui étaient généralement floues (et indifférentes). À ce qu'il semblait, la semi-elfe n'était pas la personne la mieux placée pour renseigner qui que ce soit à ce sujet.

Mais, elle devait bien être au courant de quelque chose... Il le fallait. Elle n'était pas venue jusqu'ici pour repartir les mains vides. Et puis, il y avait ces enfants sur la Grand Place, qui comptaient sur elle ...

Elle se concentra et fit défiler dans sa tête toutes les informations, les rumeurs, les bruits de couloir qui lui étaient parvenus. Il y avait bien ... Peut-être... Oui, ça pouvait faire l'affaire.
L'elfe n'avait aucune garantie de la véracité de l'information, et à vrai dire elle en doutait même, mais elle n'avait pas d'autre choix que d'essayer. Et de paraître sûre d'elle, dans la mesure du possible.

- Je sais que Reyan de Ker Brisac courtise Neliel Shaolan. Et je sais aussi qu'elle ne le repousse pas ...

Nathanaëlle fixa la vieille femme d'un regard qu'elle voulait décidé, et attendit sa décision dans le silence redevenu pesant.

Dans l'obscurité moite de la bicoque, les yeux globuleux de la vieille Maddy semblaient sonder jusqu'à l'âme de la jeune elfe.
Une minute s'écoula, puis deux... pendant lesquelles on n'entendit plus que les craquements, les suintements et les chuchotements de la maison.
Ce n'est qu'au bout d'un moment qui aurai paru interminable à n'importe quel mortel que la vieille ouvrit finalement la bouche. Et ce qui en sortit n'avait rien à voir, de près ou de loin, avec une parole intelligente.

- NYAAAA HAAHAHAH HAHA HAHHA...

Le rire de le sorcière grandit, grandit et grandit encore jusqu'à emplir la pièce entière, se réverbérant sous le plafond tel un écho macabre. Il sembla s'éterniser mais se termina finalement dans une quinte de toux.
La vieille cracha par terre un glaviot plein de glaires puis s'essuya la bouche sur sa manche. Les yeux dans le vide, elle articula d'une voix cassée :

- Décidément, cette cité ne cessera jamais de m'étonner...

Elle sembla revenir à elle, son regard inquisiteur posé sur la semi-elfe.

- Il semblerait donc que le destin ait poussé nos deux roublards dans les bras l'un de l'autre... voilà qui est intéressant... Et voilà une information digne de ce nom, jeune fille. Elle hocha la tête. Chose promise, chose due. Il ne se dira pas dans le Faubourg que la vieille Maddy est une menteuse. Approche petite. Approche que je te dise ce que tu veux savoir.

Et, ses yeux brillants dans le noir, elle agita un doigt crochu pour faire signe à la guerrière de s'approcher.

Nathanaëlle sursauta en entendant la vieille dame s'esclaffer. Son rire n'avait rien de discret, ni de gracieux d'ailleurs. IL s'acheva en une quinte de toux et la semi-elfe eut peur que Maddy ne parvienne pas à retrouver son souffle. La sorcière avait encore des choses à lui dire, aussi valait-il mieux qu'elle évite de décéder maintenant.

Mais soudain, la vieille cracha par terre et se redressa, comme si de rien n'était. Sa voix parut rêche et cassée quand elle reprit la parole, mais elle ne semblait définitivement pas à l'agonie. Sans doute Nathanaëlle s'était-elle fait du souci pour rien, après tout si Maddy avait survécu pendant tant d'années (combien exactement ? Nul ne le savait ...), ce n'était pas une simple quinte de toux qui allait l'achever.

La guerrière sentit le soulagement l'envahir lorsque son interlocutrice annonça que le "paiement" lui convenait. Ainsi donc, l'information lui suffisait et lui paraissait valoir celle qu'elle s'apprêtait à délivrer. Bien. On allait enfin pouvoir avancer.

Nathanaëlle s'approcha de la vieille dame d'un pas un mi-hésitant, mi-décidé, ne pouvant chasser de son esprit le trouble et la frayeur que lui inspiraient la sorcière. Et si c'était un piège ? Et si Maddy ne lui avait demandé d'avancer que pour lui susurrer un sortilège à l'oreille ?
L'elfe chassa ces pensées de son esprit. La vieille dame c'était comportée de manière correcte et honnête jusque là, et il n'y avait pas de raison pour que ça change.

La semi-elfe s'approcha donc, se forçant à garder les bras le long du corps. Elle qui avait toujours une main sur le pommeau de son épée, elle se sentait démunie sans celle-ci. Mais après tout, elle n'en avait pas besoin ici. Maddy allait lui donner le nom de la personne qui pourrait l'aider, ils partiraient à sa recherche et résoudraient ce mystère. Et cette longue journée pourrait enfin prendre fin. Enfin, à supposer qu'il ne leur faille qu'une journée ...

Tandis qu'elle s'approchait à pas lents, le regard de Maddy ne la quitta pas un instant. La vieille sorcière dardait sur la guerrière des yeux luisants et brillant d'un éclat malsain. Elle se passa la langue sur les lèvres avec délectation. Car Maddy la Rogue se délectait de la peur. Elle adulait l'obscurité et adorait lire l'horreur dans les yeux de ceux qui lui rendait visite. Aussi cultivait-elle son apparence repoussante avec le plus grand plaisir et prenait soin des parasites qui vivaient dans sa maison.

La demi-elfe était courageuse, certes, et Maddy savait qu'elle ne se défilerait pas. Mais elle n'en lisait pas moins le dégoût sur la figure de la jeune femme et rien n'aurai pu lui faire plus plaisir en cet instant.
Lorsque Nathanaëlle fut arrivée à ses côté, aussi proche qu'elle puisse être, Maddy sourit. D'un sourire qui faisait craquer ses vieilles lèvres sèches et luire les quelques chicots jaunis qui lui servaient à mâcher. Un sourire sans joie qui faisait froid dans le dos.
Puis lentement, sans se presser pour apprécier le plus longtemps possible cet instant, la sorcière ouvrit la bouche, se pencha encore et encore, jusqu'à ce que son visage soit tout près de celui de la guerrière et qu'elle puisse lui susurrer à l'oreille, d'une voix d'outre-tombe ces deux mots :

- Barjow l'ancien...

Non. Non non non non non non. Pas possible. Absolument, complètement, statistiquement improbable. La jeune elfe se demanda sérieusement si Maddy n'avait pas décidé de se moquer d'elle, en fin de compte. Ou alors elle avait soudain perdu la tête. Ou peut-être testait-elle son courage ou sa détermination ? Oui, ce devait être ça.
Pourtant, dans le regard de la vieille femme, Nathanaëlle vit qu'elle était sérieuse. Le nom qu'elle avait donné était celui de la personne qui pourrait aider la jeune elfe et ses amis, la personne qui avait vécu assez longtemps pour voir plusieurs fois déjà les eaux de la fontaine virer au noir, et savoir ce que cela signifiait. Cette personne qui était leur unique chance, ce puits de savoir, ce vénérable vieillard n'était autre que ... Barjow l'ancien. L'homme le plus fêlé de la cité.

Il était connu de tous pour être un peu charlatan, il avait la réputation d'un vieux fou divagant en permanence. Plusieurs fois déjà il avait prédit la fin du monde, une avalanche de grains de riz ou encore l'arrivée d'un sauveur venu délivrer la cité du joug du roi démon. Lorsque les temps étaient durs, les gens avaient envie d'y croire. Ils se répétaient tout bas ces histoires à dormir debout, en ce disant que si tout le monde y croyait, elles deviendraient réalité. Mais en temps de paix et de quiétude, Barjow l'ancien redevenait un simple affabulateur, et il ne se trouvait plus personne pour prêter crédit à ses racontars.

Nathanaëlle n'aimait pas juger les gens sur leur réputation ou sur ce que l'on disait d'eux, mais pour avoir croisé le vieil homme à une ou deux reprises, elle savait qu'il avait cessé d'être crédible bien longtemps auparavant. Et c'était lui que Maddy la rogue l'envoyait voir. Voilà qui promettait d'être amusant.

Ne se remettant toujours pas du choc que lui avait fait subir l'annonce de ce nom, la semi-elfe voulut être certaine que la sorcière ne se jouait pas d'elle, ou qu'il n'y avait pas eu un malentendu.

- Barjow l'ancien ? Sérieusement ? C'est lui qui pourra nous expliquer pourquoi les eaux de la fontaine sont devenues noires ? Il doit y avoir une erreur ... non ?

Cette fois, ce fut un éclair de colère qui passa dans le regard globuleux de la vieille comme elle s'éloignait de la guerrière. Qui était donc cette gamin pour remettre en question sa parole. C'était elle qui était venu la chercher, troublant son repos et ses occupations habituelles. Elle encore qui avait défié ses trois abrutis de petits neveux. Elle enfin qui avait, contre toute attente, posé cette simple petite question, si dérisoire et si stupide.
Et voilà que la jeune pimbêche n'aimait pas la réponse qu'elle lui avait fourni avec toute la meilleure volonté du monde.

Maddy se laissa retomber contre dossier de son vieux fauteuil, le dos droit, le regard fixe dans lequel ne brillait plus aucune lueur d'amusement. Elle posa sur la guerrière des yeux froids comme la mort.

- Une erreur, dis-tu ? Coassa-t-elle d'une voix rendu encore plus rauque que d'habitude par la colère latente. Crois-tu que Maddy la Rogue fasse des erreurs ?! NON !

Elle avait haussé la voix, rallumant le feu dans ses prunelles sombres. Un feu qui semblait illuminer la pièce entière, faisant se mouvoir sur les murs décrépis, des ombres qui n'y était pas auparavant. Son ombre, en particulier semblait bien plus grande qu'elle n'aurait dû l'être.

- Apprends, jeune insolente, que Maddy La Rogue ne se trompe jamais ! Tu es venue chercher une réponse... estime-toi heureuse de l'avoir reçue ! Mais sache une chose, petite, Cracha-t-elle avec tout le dédain que lui inspirait la jeune elfe, c'est que nul n'insulte Maddy la Rogue sans en payer en le prix !

À ces mots, la pièce se mit à trembler comme si l'ombre de la sorcière, devenue immense, cherchait à en sortir. Le parquet vermoulu commença à vibrer sous les pieds de Nathanaëlle tandis que la vermine fuyait devant l'étrange lumière rouge, sortie de nulle-part, qui éclairait les lieux.

Tu as deux minutes pour t'excuser et peut-être, je ds bien "peut-être", que je te laisserai partir entière ! ais ne va pas t'imaginer que je pousserai la magnanimité à te dire où trouver le vieux. Tu as perdu ce droit lorsque tu as douté de ma parole. Alors ... J'attends !

Oups. La vieille Maddy semblait énervée. La semi-elfe en fut étonnée. Après tout, ses questions étaient légitimes ! Vu la réputation qu'avait Barjow l'ancien, entendre son nom dans une telle conversation était plus qu'inattendu ! Et la sorcière n'était pas non plus connue pour sa bonté ou sa gentillesse, donc une mauvaise blague n'était pas à exclure. La guerrière avait donc toutes les raisons de douter de la réponse qui lui avait été donnée.

- Apprends, jeune insolente, que Maddy La Rogue ne se trompe jamais ! Tu es venue chercher une réponse... estime-toi heureuse de l'avoir reçue ! Mais sache une chose, petite, c'est que nul n'insulte Maddy la Rogue sans en payer en le prix !

La sang-mêlé serra les poings. Maddy avait vraiment l'air énervé et, bien que la jeune elfe ne considère pas l'avoir insultée, la vieille ne partageait visiblement pas son point de vue. Aux dimensions disproportionnées que prenait l'ombre de son interlocutrice, Natha se fit la réflexion que son surnom de "sorcière" n'était peut-être pas usurpé. La Rogue semblait avoir des pouvoirs pour le moins étranges et, face à elle, la jeune fille n'était pas certaine d'être de taille. Ni d'avoir envie de se battre, d'ailleurs.

- Tu as deux minutes pour t'excuser et peut-être, je dis bien "peut-être", que je te laisserai partir entière ! Mais ne va pas t'imaginer que je pousserai la magnanimité jusqu'à te dire où trouver le vieux. Tu as perdu ce droit lorsque tu as douté de ma parole. Alors ... J'attends !

Nathanaëlle inspira. Tout d'abord, il fallait rester calme et évaluer la situation. Mais en vitesse, de préférence, parce que la sorcière ne semblait pas être d'humeur à attendre.
Les choses étaient relativement simples : La semi-elfe, guerrière de son état, se trouvait face à une vieille femme aux pouvoirs indéterminés et potentiellement dangereux, qui était énervée et menaçait plus ou moins de la mutiler. Charmant. Natha n'avait sur elle ni son épée, ni ses dagues, puisque dans sa grande clairvoyance elle les avait confiés à ses compagnons, et elle ne faisait pas assez confiance à ses capacités magiques pour la tirer de ce pétrin. Mais son honneur et son éducation lui interdisaient de s'excuser sans y voir de raison.
En résumé, les instants à suivre s'annonçaient fort sympathiques.

En l'absence d'arme, l'elfe était privée de la capacité de se battre. Deux choix seulement s'offraient alors à elle : s'excuser, comme le réclamait la vieille, et prier pour que celle-ci ne se prenne pas d'un intérêt soudain pour l'anatomie elfique, ou bien user de diplomatie. Nathanaëlle choisit la seconde solution.
Elle resta sur place afin de ne pas provoquer la sorcière, mais leva les mains en signe d'apaisement.

- Madame, commença-t-elle, mon intention n'était nullement de vous offenser. Je connais le vieux Barjow de réputation et la mention de son nom dans une telle conversation était pour le moins inattendue. Vous avez raison, je suis venue ici pour chercher une réponse que vous avez eu la bonté de me donner, et je vous en suis reconnaissante. Cependant nos avis divergent sur un point : tout le monde fait des erreurs. C'est un signe d'humanité, et non de faiblesse. Ce qui différencie les sages du commun des mortels, c'est qu'ils savent reconnaître leurs erreurs et en tirer enseignement. Et je pense avoir raison de vous croire sage.

Nathanaëlle attendit un instant que ses mots fassent leur chemin. Elle en profita pour reprendre son souffle et avaler sa salive, puis elle reprit :

- Je ne vous donnerai pas d'excuses, parce que je n'estime pas être en tort. Ce n'est pas une question d'orgueil ou de fierté mal placée, simplement on m'a appris étant enfant que remettre en doute la parole de quelqu'un était un droit fondamental. J'ai le droit de douter, et vous avez le droit de me prouver que j'ai tort.

Redoutant la réaction de Maddy autant qu'elle croyait en son intelligence, la jeune elfe acheva sa tirade.

- Je n'ai pas l'intention de me battre contre vous. Je pense que nous avons toutes les deux assez d'intelligence pour ne pas en venir aux mains et régler cela à l'amiable, de manière pacifique et civilisée.

La sorcière posa sur la jeune sang-mêlé un regard surpris et étonné.
Décidément, la petite avait du culot et semblait plus téméraire que la moyenne. Mais jusqu'où cette témérité allait bien pouvoir l'emporter, voilà une autre question.

Ravalant sa colère au profit d'un étonnement croissant et d'une envie de rire de plus en plus forte, la sorcière écouta la gamine lui parler d'erreur et de sagesse tout en la brossant dans le sens du poil. Le sourire étrange s'élargit sur la figure de crapaud de la vieille. Il fallait bien reconnaître que la jeune elfe savait parler. Elle était même une sacrée oratrice.

Puis Nathanëlle se mit à parler d'excuses, de fierté et de droits fondamentaux. Le sourire de Maddy s'élargit encore, d'une oreille à l'autre. Un sourire qui n'était pas joyeux, pas ironique, pas rieur, ... pas humain.

- Je n'ai pas l'intention de me battre contre vous. Je pense que nous avons toutes les deux assez d'intelligence pour ne pas en venir aux mains et régler cela à l'amiable, de manière pacifique et civilisée. Termina alors la jeune femme, déclenchant par ces mots, l'hilarité de la sorcière.

- Tu as du culot petite !S'exclama la vieille entre deux éclats d'un rire qui ressemblait à un grincement de porte mal huilée. Tu as du culot et tu sais parler, je te l'accorde mais tu es encore jeune et puisque tu es si bien éduquée, tu devrais savoir que les jeunes doivent le respect à leurs aînés !

Elle se tut un moment, le temps de calmer la quinte de toux qui l'avait saisie en conséquence de ses éclats de rire, et cracha quelques glaires sur le sol sale de la bicoque. Au fond de ses yeux, plus de lumière rouge, dans la masure, plus d'ombres dansantes et sur les murs, la vermine reprenait déjà ses droits, comme si de rien n'était.

- Soit, réglons donc le problème de manière... "civilisée". C'est à dire de la seule manière qui soit efficace pour le civilisations actuelles : paye-moi ! Déclara-t-elle en tendant une main ridée. Paye moi la somme que tu penses juste pour le prix de ton culot et de ton insolence et je te laisserai poursuivre ta quête.

La jeune elfe retint de justesse un soupir de soulagement. La colère de la vieille femme semblait être retombée, et on pouvait raisonnablement supposer que la mutilation n'était plus au programme. Peut-être Nathanaëlle avait - elle encore une chance de sortir de cette maison en vie et en bonne santé ?
Elle en était là de ses réflexions lorsque la sorcière cessa de rire.

- Tu as du culot et tu sais parler, je te l'accorde mais tu es encore jeune et puisque tu es si bien éduquée, tu devrais savoir que les jeunes doivent le respect à leurs aînés !

Ouch. Un point pour elle. La jeune fille ne pouvait nier s'être montrée quelque peu ... cavalière dans ses propos. Tout ce qu'elle avait dit, elle le pensait, certes. Mais elle aurait certainement pu enrober un peu plus le fond de sa pensée, soigner les apparences ...
Cette fois, elle comprenait que Maddy puisse être offusquée.

- Soit, réglons donc le problème de manière... "civilisée". C'est à dire de la seule manière qui soit efficace pour les civilisations actuelles : paye-moi ! Paye moi la somme que tu penses juste pour le prix de ton culot et de ton insolence et je te laisserai poursuivre ta quête.

Nathanaëlle hésita un instant. La vieille n'avait pas tort, c'était ainsi que fonctionnait le monde à présent. La somme qu'elle estimait juste ? Encore une question épineuse ...

D'un air songeur, la semi-elfe soupesa sa bourse. Pouvait-on vraiment attribuer une valeur concrète à quelque chose d'abstrait ?

Après quelques minutes encore de réflexion philosophique, la guerrière prit finalement une décision. S'approchant de Maddy, elle lui tendit la bourse entière.

- Je ne saurais juger ce qu'il est juste ou non de vous offrir. Simplement, cet argent est le seul que j'ai gagné de mes mains, le fruit de mon travail. Il n'est rien d'autre dont je puisse disposer à ma convenance et pour mon propre intérêt.

Nathanaëlle resta ainsi, la main tendue, jusqu'à ce que la sorcière daigne prendre la bourse ou bien la refuser.

Maddy s'empara avidement de la bourse que lui tendait la jeune guerrière et la soupesa. Puis, lentement, très lentement, comme si elle voulait laisser une chance à Nathanaëlle de revenir sur sa décision, elle retira sa main, emportant avec elle, le butin durement gagné de la demi-elfe. Après un dernier tintement, la bourse disparut finalement dans les plis de la robe de la sorcière.

Un sourire condescendant sur le visage, elle dévisagea la jeune femme une dernière fois, son regard s'attardant sur le visage lisse, détaillant les oreilles pointues, glissant sur les cheveux d'argent... Maddy voulait graver dans dans sa mémoire les traits de l'insolente enfant qui avait osé remettre en question sa parole. Ainsi, la prochaine fois, la guerrière ne s'en sortirait pas à si bon compte.

Finalement, la vieille femme renifla dédaigneusement puis désigna la porte d'un long doigt ridé.

- C'est bon... tu peux t'en aller. Dit-elle simplement.

A son ton, il était clair que la conversation était close. Et, comme pour insister sur ses dires, elle croisa les bras sur sa poitrine, enfonça les mains dans ses manches et ferma les yeux. La séance était close. Nathanaëlle pouvait toujours essayer de dire ce qu'elle voulait, Maddy en avait terminé avec elle.

Un grincement se fit alors entendre derrière la guerrière et un rai de lumière vint éclairer le mur en face d'elle. Comme la porte de la bicoque s'ouvrait lentement, un courant d'air chargé des effluves et des bruits de la rue pénétra dans la pièce.

Visiblement, la réponse de Nathanaëlle devait convenir à la vieille puisqu'elle ne se fit pas prier pour prendre la bourse et la faire disparaître dans les plis de sa robe.
La jeune elfe restait là, les bras ballants, ne sachant que faire, tandis que la sorcière laissait durer le silence. Un frisson lui parcourut l'échine lorsqu'elle sentit sur elle le regard de Maddy. La sang-mêlé se surprit à espérer que la vieille ne soit pas en train de lui lancer un sort. Surprise de s'être laissée aller à de telles divagations, Natha s'obligea mentalement à écarter cette pensée de son esprit.

Le reniflement de Maddy lui ramena les pieds sur terre.

L'elfe la vit ouvrir la bouche et attendit avec appréhension de savoir à quelle sauce elle allait être mangée. Aussi fût-elle étonnée d'entendre simplement : "C'est bon... tu peux t'en aller".

Soulagée mais malgré tout méfiante, la guerrière préféra ne pas tenter le hasard plus longtemps et se dirigea vers la porte. Alors seulement elle réalisa que celle-ci s'était ouverte seule. Un regard vers la sorcière lui apprit que Maddy s'était désintéressée d'elle. Les yeux clos, les bras croisés, elle avait la mine renfrognée d'un enfant boudeur. Mais la semi-elfe ne prendrait pas le risque de le lui dire.

Puisque la discussion semblait achevé, et parce qu'il était évident qu'elle n'apprendrait rien de plus ici, Nathanaëlle sortit rejoindre ses compagnons. Elle ne parvenait pas à décider si l'indice qu'elle avait glané justifiait d'arborer un sourire triomphant, ou si elle devait plutôt faire profil bas. Après tout, elle n'avait qu'un nom en sa possession, et aucune adresse. Le vieux Barjow pouvait se trouver n'importe où ...

Perdue dans ses pensées, la jeune fille ne réalisa pas tout de suite que les personnes qui se trouvaient devant elle n'étaient pas Ignis et Ian. Ou alors, ils avaient drôlement changé.
De fait, ses amis se tenaient en retrait, à quelques mètres de là, à l'exact endroit où ils s'étaient quittés. Et devant la semi-elfe, les trois neveux de la Rogue bloquaient le passage.

Nathanaëlle déglutit avec difficulté. Si les comparses avaient accepté de la laisser entrer, c'était parce que Maddy le leur avait ordonné. Mais maintenant que la vieille l'avait chassée, il y avait fort à parier qu'ils ne lui céderaient pas le passage si aisément ...

C'est en portant la main à sa ceinture que la guerrière se rappela que son épée ne s'y trouvait pas. Elle était restée, avec toutes ses armes, dans les mains de ses amis.

Derrière ses adversaires.

Gaston, Gaspard et Gertrude parurent surpris de voir la guerrière ressortir de la maison mais bien vite, leur air étonné laissa place à leur habituelle expression stupide.
Suivant le regard de Nathanaëlle, Gaspard avisa les camarades de la jeune femme qui attendaient toujours, quelques mètres plus loin avec, dans les mains... l'épée de la guerrière. Un sourire mauvais se peignit alors sur son visage ingrat. D'un signe de tête, il enjoignit sa femme, Gertrude à se rapprocher de lui, ce qu'elle fit en grognant, mains dans les poches de sa salopette. ils se tinrent là, tous les deux, faisant barrière entre Nathanaëlle et ses amis.
Le troisième larron, Gaston, qui était sans doutes le plus stupide des trois, semblait hésiter à rejoindre ses deux compères. son regard bistre allait de la porte de la maison à son frère dans un ballet des plus étrange. quand enfin, il s'arrêta, ce fut pour se gratter la tête, faisant tomber une ribambelle de pellicules et de poux.

- M'enfin... Gaspard... Commença-t-il sur un ton hésitant. Puisqu' Maddy lui a dit d'partir, on d'vrait p'têt la laisser filler...

- N'import'quoi ! Brailla Gaspard. Maddy lui a dit d'sortir. Elle est sortie et main'nant elle est à nous ! Alors ramène ta fraise jusqu'là ou tu va voêre c'que tu vas voêre ! Vociféra-t-il;

Obéissant et, il faut bien le dire, un peu effrayé par son frère aîné, Gaston s'empressa de venir se ranger à ses cotés, serrant fort dans son poing son petit couteau à beurre.
De conserve, ils adressèrent alors un regard mauvais à la jeune demi-elfe, sans pour autant esquisser le moindre geste. ils semblaient attendre quelque chose... mais quoi ? que la chance soit de leur côté peut-être ?

Table évènement Lance 1dé12 à la suite de ton post.

Nathanaëlle regarda ses amis, les trois larrons, puis de nouveau ses amis. Ils ne semblaient esquisser aucun mouvement. Peut-être étaient-ils trop loin pour voir ce qu'il se passait ? Ou peut-être pensaient-ils simplement que les neveux de Maddy allait laisser passer l'elfe sans rechigner ? C'était pourtant improbable. Vu l'expression que les trois canailles arboraient, ils semblaient plutôt avoir décidé du contraire. Quoique, celui qui arborait fièrement son couteau à beurre paraissait un peu moins convaincu que les autres, mais pas fou d'envie pour autant de s'opposer à ses comparses.

Soit. En résumé, les trois compagnons ne voulaient pas la laisser passer, ses propres amis ne semblaient pas disposés à l'aider, et elle n'avait sur elle aucune autre arme que son propre corps.
La semi-elfe ne se laissa pas abattre par ce triste constat. Si elle était ressortie intacte de chez Maddy, ce n'était pas pour trembler devant des brutes au QI d'hippocampes. Armes ou pas, il était hors de question de reculer. S'il fallait se battre, elle se battrait, fût-ce avec ses poings.

Forte de cette résolution, la guerrière affronta le regard de ses adversaires. Elle ne baissa pas les yeux, les fixant sans relâche. Ils voulaient la guerre ? Et bien ils l'auraient ! Nathanaëlle dressa ses poings fermés devant elle, et insuffla dans son regard toute la haine dont elle était capable. Si elle avait ne serait-ce qu'une toute petite chance de les faire changer d'avis, elle la voulait la saisir. Malgré les apparences, la sang-mêlé n'aimait que moyennement se battre. Elle préférait largement la diplomatie et l'art subtil de la conversation civilisée.

Mais de toute évidence, les trois personnes qui se trouvaient en face d'elle ne partageait pas cet idéal.