SOMBRE PRÉSAGE

- Vous pensez qu'il faut vérifier le dernier couloir ou la porte nous suffit? Demanda Donovan.

Le jeune homme avait bel et bien trouvé quelque chose dans son couloir... mais, la croix bicolore n'indiquait qu'un mauvais chemin, pas lequel des deux autres était le bon. Avant de lui répondre, Reyan se frotta le menton. Pour son plus grand plaisir la "porte des Hommes" s'était ouverte sans difficultés. Et même si son instinct lui disait qu'une chose trop simple cachait souvent quelque chose, il était plutôt content de la bonne tournure des événements. Par contre, ce dont il semblait sûr, c'est que cette salle n'était ni leur point d'arrivée, ni la suite de leur chemin. D'ailleurs, malgré l'obscurité qui y régnait, il semblait qu'il n'y avait pas d'autre porte dans la petite pièce.

- Pour l'instant, la seule chose dont nous sommes sûrs c'est que ton couloir n'est pas le bon, mais nous ne savons pas lequel des deux autres l'est. Et en ce qui concerne ces portes, ce ne sont, selon moi, que des pièces qu'il peut s'avérer utile de visiter mais ne nous mèneront pas plus loin. Donc... oui, il faudrait que quelqu'un explore le dernier couloir. Expliqua-t-il au magicien, se rappelant que celui-ci semblait aimer les explications. Puis il ajouta :

- Mais ce n'est pas forcément à toi de le faire... Si tu veux tu peux venir avec moi. J'ai hâte de savoir ce que contient cette salle des "Hommes".

À ces mots son regard se mit à briller de convoitise, et, trop pressé pour attendre, il fit un premier pas dans la pièce, enjambant au passage le mince faisceau de lumière bleue.

Bien sûr, la première chose qu'il avait fait avant de répondre à Donovan avait été d'observer l'ouverture de la porte et de noter tout ce qu'il se passait. Il avait donc vu la ligne de lumière qui barrait la porte et son cerveau avait déjà tissé mille hypothèses sur la raison d'être et les effets de cette ligne lumineuse. Mais malgré tous les dangers possibles et hypothétiques, l'excitation d'une porte ouverte, d'une pièce à visiter, d'objets à dérober... était plus forte que tout.

Il fit donc un premier pas dans la pièce, enjambant au passage le mince faisceau de lumière bleue.

Au moment où il l'enjambait, la ligne lumineuse se mit à briller avec intensité pendant quelques dixièmes de secondes avant de prendre une couleur bleue foncée. Puis un son de cloche cristallin retentit. Un unique son de cloche qui résonna quelques secondes comme le sortilège d'identification fonctionnait.

Car il s'agissait bien d'un sortilège d'identification. Fort ancienne et puissante, la ligne lumineuse en travers de la porte était là pour empêcher quiconque ne correspondant pas à l'indication sur la porte, de pénétrer dans la petite salle. Mais de toute évidence, Reyan était bien un "Homme" et le sortilège l'ayant reconnu comme tel, il ne se passa rien et le roublard se retrouva dans la petite pièce sombre.

A la lueur de sa torche, l'intérieur de la salle se révéla aux yeux du jeune homme. Il y avait, contre le mur du fond, juste en face de la porte, une bibliothèque poussiéreuse large comme la pièce et emplie de livres de taille et d'épaisseurs diverses. À gauche, un petit secrétaire de trois tiroirs lequel reposaient un parchemin et une plume, surplombait un coffre de bois poli par le temps. Enfin, à droite, se trouvait un râtelier supportant une épée, deux rapières, un sabre et une demi-douzaine de dagues et de poignards.

Donovan n'était pas surpris de la réponse du roublard, il était évident qu'il fallait découvrir le dernier couloir. Mais la proposition de Reyan le prit de surprise. Ce dernier lui proposa de l'accompagner dans la salle. Avant même de pouvoir répondre, le roublard passa la porte. Donovan s'approcha doucement de la porte. Il regarda à l'intérieur mais malgré la torche de Reyan, il ne voyait pas grand chose. Il voulu passer la porte également mais il fut possédé d'un doute. Et si la ligne ne le reconnaissait pas comme humain à cause de ses pouvoirs. Il avait du sang humain qui coulait dans ses veines, il en était sûr. Mais, s'il y avait plus que ça, si les pouvoirs modifiaient son état? Ou encore, si jamais il entrait sans problème et que son louveteau le suive mais qu'il ne remplisse pas les conditions pour entrer?

Il posa son pied devant la ligne, leva l'autre pied pour passer la ligne mais reposa son pied à côté de l'autre. Il fit un pas en arrière, regarda la porte, la poignée, puis il jeta un oeil à Reyan. Il se dit que le roublard s'en sortirait sans lui mais Eldurulfur couru vers la salle et traversa la ligne bleue. Sans attendre la réaction de la ligne ou de la magie autour de cette porte, Donovan suivit le louveteau.

Nathanaëlle rassura Donovan : Arthémise et elle allaient bien. La semi-elfe avait observé Reyan franchir la ligne sans encombre, et bien qu'elle refuse de l'admettre, une part d'elle fut soulagée que le roublard n'ait pas été la cible d'un quelconque sortilège maléfique.
Elle ne vit pas Donovan s'engouffrer à sa suite sans la petite pièce, ni les éventuelles répercussions que cet acte eut. En effet, elle avait déjà tourné les talons pour retourner examiner le couloir dans lequel elle s'était engouffrée quelques minutes auparavant. Cette fois, elle se concentra sur son objectif. Ou du moins, elle essaya.

En réalité, son esprit vagabondait. Elle se demandait si la ligne magique la laisserait passer la porte des elfes. Après tout, seul son père appartenait à ce peuple. Sa mère, elle, était d'une toute autre ethnie. Elle n'était donc, à proprement parler, que la moitié d'une elfe. Serait-ce suffisant pour pénétrer dans la pièce réservée à ce peuple ? Le seul moyen de le savoir était sûrement d'essayer, mais, si toutefois le sortilège la déclarait inapte à franchir le seuil, que se passerait-il ? Quel serait l'ampleur de la punition pour avoir transgressé les règles ? Pouvaient-ils se permettre de prendre de tels risques ?

Voilà quelques unes des questions qui lui traversaient la tête pendant qu'elle arpentait l'obscur couloir. Elle s'y attarda quelques minutes, puis se força à oublier ses interrogations. Elle en discuterait avec ses amis lorsque tous en auraient fini avec leurs tâches respectives, et ils décideraient ensemble de la marche à suivre. C'était la meilleure option. En attendant, elle serait plus utile en examinant un des deux couloirs restants, plutôt qu'en demeurant plantée devant des portes closes.

Elle se remit donc à chercher la marque avec autant d'acharnement et de minutie que le lui permettaient ses yeux d'elfes et la faible luminosité émanant des portes derrière elle. Elle guetta la marque qu'ils avaient vu précédemment, composée de deux bandes rouge et blanche, et espéra la trouver. Ils sauraient ainsi vers où se diriger, à défaut de savoir quelles salles ils pourraient explorer ...

Le sortilège de détection avait été fixé il y a bien longtemps, pour s'assurer que seuls les gens de la bonne race accédaient à la salle. Il avait été prévu pour détecter la race de toute personne le traversant, l'enjambant, le sautant, le survolant... bref, toute personne passant l'encadrement de la porte.
Mais il n'était pas fait pour détecter autre chose que des personnes. Et encore moins un être magique tel que le louveteau de Donovan.
Lorsque la magie rencontra la magie, la ligne lumineuse se mit à grésiller. Il y eut des étincelles bleues et jaunes puis le faisceau de lumière passa par toutes les couleurs comme il ne parvenait pas à identifier la race de l'animal magique. Il y eu d'autres étincelles, un dernier grésillement puis plus rien.
Quand Donovan, à la suite de son compagnon, passa à son tour à travers l'encadrement de la porte, la lumière vira au bleu et le même son de cloche résonna une seconde fois.

Au moment où résonnait la clochette indiquant l'identification de Donovan comme humain, le signe bicolore apparut aux yeux de Nathanaëlle. Malgré son regard d'elfe habitué à l'obscurité, il avait quelques temps à la jeune femme pour repérer le symbole peint à hauteur de ses genoux. En effet, il se trouvait sur une pierre légèrement descellée, plus enfoncée que les autres et dans l'ombre de ses semblables. Mais comme rien n'échappait au regard elfique de la guerrière, nul doutes qu'elle repéra sans problèmes la croix oblique rouge et blanche.

Bon il était passé, il était donc considéré comme humain par la porte malgré ses pouvoirs. Le fait de ne pas avoir activé un piège le rassurait mais la réaction de la porte à Eldurulfur était un peu plus inquiétante. La pièce étant relativement sombre, le jeune mage se tourna vers le roublard et fit apparaitre une boule de feu assez grande pour illuminer la pièce. La lueur de la boule de feu lui permit de trouver quelques porte-torches et chandeliers qu'il alluma les uns après les autres. On y voyait déjà plus clair, il regarda Reyan et lui adressa un sourire. Il se retourna ensuite vers son louveteau et s'accroupit.

L'animal s'approcha et vient se frotter à son maître. Le jeune mage caressa le jeune animal et essayait de comprendre ce qu'il était exactement. Pourquoi la porte avait eu autant de souci lorsqu'il était passé. Le mage se releva et s'approcha du râtelier. Il observa les armes disposées dessus et sourit. Cela lui rappelait les séances d'entraînement avec Nathanaëlle. Il se toucha le front et posa le doigt sur une cicatrice qu'il avait obtenu par maladresse pendant un de ces entraînements. Il se tourna et posa les yeux sur les livres, le coffre et le secrétaire.

Il s'approcha de Reyan et lui indiqua qu'ils devraient vérifier les livres et le coffre. Il termina en s'approchant du secrétaire, observa le parchemin avec la plume et ouvrit les tiroirs à la recherche de quelque chose d'intéressant.

[MJ : Donovan, je t'invite à lancer un 1 Dé 12 sous la table Cherche Objet pour déterminer l'issue de l'inspection du tiroir]

un lancer de dé 12 sous la table Chercher Objet

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Le membre 'Donovan' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

'D12' : 3

Table cherche objet a écrit:: 3 = Vous tombez dans un piège

Donovan semblait avoir pris les choses en main dans la petite pièce. Après avoir indiqué à Reyan où il devait chercher, il s'approcha lui-même du secrétaire et, délaissant la plume et le parchemin qui se trouvaient dessus, il s'intéressa aux tiroirs.
Mais la chance ne semblait pas devoir sourire au jeune magicien car à peine eut-il tiré vers lui le plus haut des trois tiroirs que le sol se déroba sous ses pieds. En à peine quelques secondes, sans aucun signe avant coureur mais dans un faible claquement, la pierre sur laquelle il se trouvait debout s'escamota, laissant place à une fosse étroite dans laquelle le jeune homme s'enfonça immédiatement.

Le piège était simple mais efficace : une fosse aux mur lisses et droits, profonde comme trois hommes. Aucune aspérité aux murs, et tout juste la largeur pour qu'un homme s'y tienne debout mais pas assis. Donovan semblait condamné à attendre dans cette position que quelqu'un lui vienne en aide... si tant est que cela soit possible.

A peine était-il entré dans la pièce que l'éclat dans ses yeux se fit plus vif à mesure qu'il en découvrait le contenu à la lueur de sa torche. Bien évidemment son regard fut attiré en premier par le râtelier sur sa droite. Même à l'éclairage tremblotant de la torche il était évident qu'il y avait là un véritable trésor en armement. Les yeux noisettes du roublard s'arrêtèrent tout spécialement sur les dagues et les rapières tandis que ses lèvres laissaient échapper un sifflement admiratif. Il eut un moment la tentation de s'approcher, de poser la main et de caresser les lames sur sa droite, de s'en saisir pour en écouter le sifflement dans l'air... Mais il se retint. Secouant la tête, il revint à la raison et repris son examen de la pièce.
Il en était à détailler du regard la bibliothèque fournie et poussiéreuse qui se trouvait devant lui lorsque soudain la pièce s'éclaira d'une lumière chaude mouvante mais beaucoup plus forte que sa torche. Il sourit. Cela ne pouvait signifier qu'une chose. Il se retourna, sachant déjà ce qu'il allait trouver derrière lui.

Tout à ses pensées, il n'avait pas entendu le son cristallin de la cloche qui avait pourtant dû résonner quelques instants plus tôt car Donovan se trouvait là, dans la pièce, sa boule de poile magique à ses pieds. Sans doutes tout aussi pressé que lui d'explorer les lieux, le jeune magicien indiqua l'impressionnante bibliothèque au roublard et se dirigea vers le secrétaire qui trônait sur leur gauche.

A peine Reyan eut-il reporté les yeux vers les rangées de livres aux reliures poussiéreuses qu'il entendit un claquement sourd. Se retournant brusquement, la main sur sa dague il ne put que constater trop tard le malheur de Donovan. Car là où se trouvait le jeune homme quelques secondes plus tôt s'ouvrait maintenant un trou béant dans le sol de la pièce.
Le roublard s'en approcha prudemment, la main droite toujours posée sur la poignée de sa dague, prêt à s'en saisir si besoin. Lorsqu'il fut assez près, il baissa les yeux et aperçu son camarade au fond d'une fosse. Lâchant son arme, il s'approcha du bord et évalua la situation. Le trou semblait trop profond pour qu'il puisse sortir Donovan à la force des bras. Il s'accroupit au bord du précipice et, faisant taire la petite voix qui lui disait "C'est ça de travailler avec des novices !", il se pencha pour crier au magicien :

- Rien de cassé là-dedans ? Ne t'inquiète pas l'ami, je vais chercher un moyen de te sortir de là.

Il se redressa et regarda autour de lui. A droite, le râtelier d'armes, mais rien de suffisamment long pour tirer Donovan de ce trou. En face, les livres, sûrement pleins d'informations et de connaissances mais rien d'utile dans le cas présent. A gauche, le secrétaire et ses trois tiroirs mais il n'était pas certains de vouloir tenter le diable une seconde fois. Ou plutôt si, il en brûlait d'envie mais ce n'était pas franchement le moment. S'il déclenchait lui-aussi un piège, ils se retrouveraient alors comme deux imbéciles, piégés chacun de leur côté. Il ne lui restait plus que deux possibilités : le coffre sous le secrétaire, ou utiliser ses propres moyens.
Il s'assit en tailleur, entre la fosse et le coffre, pour réfléchir.

L'avancée du petit groupe semblait quelque peu compromise.

D'un côté Nathanaëlle, dans les couloirs, venait de découvrir une nouvelle mauvaise piste, ce qui les laissaient maintenant avec une information valable : ils savaient quel couloir emprunter. Mais elle était la seule à avoir cette information pour l'instant. Allait-elle continuer seule son chemin sans ses camarades ? Mais peut-être tenterait-elle de visiter la salle des Elfes. Restait à savoir si une semi-elfe serait considérée suffisamment elfique pour le sort d'identification.

D'un autre côté, assis à même le sol dans la salle des Hommes, Reyan semblait plongé en pleine réflexion. Allait-il tenter d'ouvrir le coffre dont la serrure de cuivre présentait un double mécanisme ? Nul doutes que les doigts agiles du roublards seraient capables d'en venir à bout. La question était de savoir s'il prendrait le temps de s'y pencher ou s'il opterait pour une solution plus rapide.

Restaient Donovan et Arthémise.

L'un coincé dans son trou ne pouvait certes pas faire grand chose physiquement mais peut-être le mage trouverait-il une solution magique à son problème. Qui sait ? Peut-être son louveteau pourrait-il lui être d'une aide quelconque.
Quand à la demoiselle, elle semblait toujours aussi indécise. Debout au carrefour des 4 couloirs, plusieurs possibilités s'offraient à elle. Elle pourrait attendre le retour de Nathanaëlle et partir avec la semi-elfe sur la piste blanche et rouge. Ou bien choisirait-elle de tenter d'entrer dans une des salles...

Malgré l'unité qui avait jusque là été l'un des atouts du groupe, il semblait que cette fois, les décisions individuelles prendraient le pas sur l'esprit de groupe. La suite de l'aventure dépendait maintenant des actions de chacun.

La semi-elfe revint sur ses pas. Maintenant qu'ils avaient exploré deux des trois couloirs, ils savaient lequel emprunter ! Elle retourna donc au croisement des chemins pour informer ses amis de sa trouvaille. Mais sur place ne restait qu'Arthémise. Nathanaëlle la mit donc au courant, lui désignant du doigt celui des trois couloirs qui les mènerait à bon port.
Elle n'était pas très étonnée de ne voir ni le magicien, ni le roublard. Reyan ne savait résister à l'attrait d'une salle renfermant possiblement des objets de valeur, et Donovan, eh bien ... Il était toujours désireux de se rendre utile, et avait sûrement suivi le voleur pour l'aider.

Ce qui ne laissait plus que les deux demoiselles. Arthémise ne semblait pas disposée à faire quoi que ce soit. Elle restait dans la pièce ronde, fixant les couloirs et les portes, et demeurait immobile. La guerrière résolut de ne pas la déranger, quelles que puissent être les pensées qui traversaient son esprit. Après tout, la vampire était assez grande pour réfléchir et décider par elle-même ce qu'il convenait de faire. Si elle se décidait à explorer l'une des salles, il était de toute façon probable que personne ne puisse l'y suivre ...

Nathanaëlle était tentée par l'une des portes, elle aussi. Celle qui qui indiquait "porte des elfes" l'attirait fortement. Mais, le doute demeurait : serait-elle considérée comme une elfe à part entière, elle qui était de sang-mêlé ? Le cas contraire, que se passerait-il ?

La jeune fille tentait de trouver des arguments, des objections l'empêchant d'aller ouvrir cette satanée porte, mais à la vérité elle avait déjà décidé d'y aller. Elle ne pouvait pas passer sa vie à se demander à quel peuple elle appartenait légitimement. Après tout, son sang importait peu : elle était sinastrienne à présent, et en tant que telle elle se devait d'aider ses amis à faire avancer cette quête. S'il fallait pour cela laisser une porte étrange juger son ethnie, elle le ferait.

Nathanaëlle se dirigea donc d'un pas décidé vers la porte des elfes, et tourna la poignée.

Perdue, Arthémise contemplait les portes, hésitant sur la conduite à tenir. Elle n'était utile ni pour la porte des Elfes, ni pour celle des Nains, ni pour celle des Humains. Elle aurait voulu pouvoir ouvrir la porte des Démons, quel qu'en soit le prix, essayer d'y trouver des éléments des réponses. Mais bien que les vampires soient considérés par certains comme des démons, son geste s'était révélé vain -inutile encore une fois-.

Alors elle restait sur place, méfiante et pensive. Reyan s'était engouffré derrière la porte des Humains, Donovan sur ses talons, et Nathanaëlle s'essayait à présent à ouvrir celle des elfes. La vampire pouvait sentir la tension de son amie et elle eut un élan de compassion pour celle-ci. Elle connaissait les blessures de la jeune femme et savait à quel point les conséquences de son geste allaient l'ébranler, quelle qu'en soit l'issue. Elle ne régit pas non plus aux informations que lui donna la semi-elfe, les notant tout en continuant de réfléchir.

Puis, sans attendre de voir ce que donnait le geste de la guerrière, elle s'engouffra dans le troisième couloir, sans hésitations aucune cette fois, décidée à voir ce qu'elle pourrait y découvrir.

Arthémise s'engouffra donc sans hésiter dans le troisième couloir, qui, par déduction était forcément le bon. Il y faisait sombre. Pas suffisamment toutefois pour que les yeux de vampire de la jeune femme s'y trompent. Le couloir s'enfonçait en zigzagant, tel un serpent, jusqu'à une nouvelle intersection. Le tunnel de droite sentait le renfermé et l'air y était froid. Un panneau de bronze poussiéreux était encastré dans le mur. Il portait une inscription : "neit el tse nimehc ec, eriolg te essehcir sehcrehc ut is"
De l'autre côté, le chemin sentait le moisi et un air chaud, chargé de relents putrides s'en dégageait. Là encore, une plaque de cuivre rouillée se trouvait accrochée au mur. On pouvait y lire : "ici rap sdnerp, sfitcejbo set tnos riovas te ecnassiannoc is".
Arthémise se trouvait donc devant un nouveau choix, et cette fois, il semblait qu'elle allait devoir le prendre seule...

Nathanaëlle, quant à elle, semblait décidée à joueur les roublardes. Ou peut-être voulait-elle se prouver quelque chose sur elle-même. Elle tourna donc la poignée de la porte des Elfes, qui s'ouvrit sans un bruit. Une douce odeur de feuilles et d'humus emplit le carrefour. La salle était plongée dans le noir, mais, encore fois, rien que ne puissent percer le regard elfique de la jeune fille.
La pièce était carrée, de taille et configuration similaire à celle des hommes. Le mur du fond était recouvert d'un enchevêtrement de branches et de feuilles, qui, telles du lierre, grimpaient et s'insinuaient dans la moindre anfractuosité entre les pierres blanches. Des fruits, de tailles, couleurs et formes différentes y pendaient ça et là. A droite, contre le mur, un râtelier d'armes soutenait plusieurs lames elfiques, couteaux ouvragées et deux magnifiques arcs longs et leurs carquois de flèches. A gauche, des fioles s’alignaient sur une étagère surplombant un pupitre de bois ouvragé. Sur ce dernier, ouvert sur une page richement enluminée, se trouvait un grimoire. Et bien sûr, à l'entrée, à quelques centimètres des bottes de Nathanaëlle, un mince faisceau de lumière verte courait d'un montant à l'autre.

Il réfléchissait, et plus il réfléchissait plus le temps filait. De cinq au départ, ils n'étaient déjà plus que quatre. Et qui sait si, depuis qu'ils avaient pénétré dans la salle des homme, Donovan et lui, Arthémise ou Nathanaëlle, ou même les deux, n'avaient pas mis les bouts elles aussi. Tout était possible. Du moins le roublard envisageait-il toutes les possibilités. Et la première chose à faire, était de venir en aide au magicien. A moins... A moins qu'il ne le laisse là dans son trou et parte devant. C'était une possibilité. Une possibilité qui lui déplaisait pas. Après-tout, il avait l'habitude de faire cavalier seul.
Non, quelque chose le retenait. Quelque chose l'empêchait de les trahir tous et de filer à la roublarde. Depuis quand se souciait-il d'autrui ? Depuis quand ? Depuis qu'une autre avait pris la moitié de son coeur. Elle s'était immiscée dans sa vie et depuis, vivre seul lui paraissait bien dérisoire.
Et puis il y avait sa fierté. N'avait-il pas dit à Nathanaëlle qu'il les aideraient dans cette quête ? Comment pourrait-il encore se moquer de la jeune guerrière s'il se défilait au moment où elle comptait sur lui ?
Enfin, il y avait cette sensation étrange au fin fond de ses tripes. Ce sentiment que la Cité était en danger. Et cette cité, il l'aimait. Il y avait découvert et vécu tellement de choses... il y était chez lui. Et avoir un chez-soi était important pour roublard comme lui.

Il se leva soudain, mettant un terme à ses réflexions. Il était temps de faire ce pour quoi il état le plus doué : crocheter des serrures. Il fit craquer ses doigts tout en se dirigeant vers le coffre en bois. À genoux devant l'objet, il fit le vide dans son esprit pour observer la serrure de métal. Le mécanisme n'était, certes, pas banal, mais il n'avait rien d'exceptionnel non plus.
La main gauche palpant la serrure, il farfouilla de la droite sous sa cape pour y trouver son trousseau de passes-partout. Il ferma les yeux et commença à faire défiler les clés entre ses doigts, attendant que la sensation de droite soit la même que celle de gauche. Après quelques secondes, il ouvrit les yeux, un petit sourire en coin sur les lèvres, et sélectionna une clé parmi les centaines d'autres qui se balançaient sur leur anneau. Il l'introduisit dans la serrure. Ce n'était pas parfait, mais ça rentrait. Au moins une des dents appuyait sur le mécanisme. Pour le reste...
Maintenant la clé dans la serrure de la main gauche, il farfouilla de nouveau de la droite sous sa cape pour en sortir un bout de chiffon doux. Il le déplia d'un mouvement expert, dévoilant les crochets, tiges et autres outils fins et pointus qui s'y trouvaient. Il en sélectionna un et l'introduisit dans la serrure, à côté de la clé. Il y avait tout juste la place mais ça marchait. Tâtonnant dans le mécanisme, il tourna, poussa, tira jusqu'à entendre un CLIC satisfaisant. Après quelques secondes supplémentaires, un CLAC se fit entendre. Avec un sourire satisfait, Reyan sortit clé et outil de la serrure, approcha la main du couvercle, souleva... et rien.
Il fronça les sourcils. Il était pourtant sûr d'avoir déverrouillé le coffre. Avec une moue dépitée, il approcha son œil de la serrure pour l'examiner à nouveau et soudain son regard s'éclaira. Comment avait-il pu passer à côté ?! Il n'y avait nul pièce ici, mais un simple double mécanisme.
Sélectionnant deux nouveaux outils, il les introduisit dans les petits trous qu'il venait de remarquer, de chaque côté du verrou. Un nouveau CLIC-CLAC se fit entendre. Cette fois, c'était la bonne. Il souleva le couvercle du coffre, en espérant y trouver quelque chose pour sortir Donovan de son trou.

Il faut croire que Reyan était en veine et que les dieux des hommes étaient avec lui ce jour là. Ou peut-être avait-il une bonne étoile qui veillait sur lui. Car au fond du coffre, sous une demi-douzaine de bouteilles poussiéreuses dont les étiquettes étaient à moitié effacées, se trouvait une corde d'apparence presque neuve, lovée de manière professionnelle. Le coffre renfermait également une torche de bois jamais utilisée, un briquet à amadou, deux gourdes en peau dont on n'aurait pu dire juste en les observant si elles étaient pleines ou vides, et deux capes de laine sombre soigneusement pliées.

Enfin, un léger renflement dans le couvercle indiquait, sans nuls doutes, la présence d'un compartiment secret. C'était le genre de chose suffisamment discret pour faire briller de convoitise le regard d'un roublard. Reyan y succomberait-il ?

Nathanaëlle se sentit mieux, instantanément. La sensation d'oppression qui l'avait saisie dès son entrée dans la bibliothèque s'était momentanément apaisée. Était-ce l'odeur d'humus, si chère à son coeur, qui évoquait en elle le calme de la forêt ? Ou la vue de la végétation tapissant le mur en face d'elle ? Elle était dans son élément, ici. Loin des murs nus et sombres, loin des sinuosités du chemin obscur qui leur réservait des surprise à chaque virage. Ici, il lui semblait que tout était "vrai". C'était un sentiment étrange, qu'elle peinait à s'expliquer.

Toujours est-il qu'elle avait envie d'entrer. Très envie. Les fruits qu'elle apercevait sur le mur lui donnaient envie, même si la petite voix de sa conscience lui soufflait de s'en méfier. Le râtelier d'armes lui non plus ne manquait pas d'attraits. Pour autant qu'elle pouvait en voir, plusieurs lames elfiques attendaient qu'une main les saisisse. Et cette forme, au fond ... se pourrait-il ... ? Oui ! Un arc ! Deux arcs ! Magnifiques, immenses ! Et des flèches à profusion ! La semi-elfe, archère émérite, avait bien du mal à se retenir de courir immédiatement éprouver leur facture.

Elle se força à reporter son attention sur d'autres détails de la pièce. Le mur, en face du râtelier, soutenait une étagère où s'alignaient plusieurs fioles. Ingrédients ? Potions ? Filtres de soin ? Gloire en bouteille ? Les possibilités ne manquaient pas, et Nathanaëlle se promit, si elle parvenait à entrer dans la pièce, d'aller y jeter un œil.
En-dessous, un vieux grimoire offrait ses secrets aux aventuriers assez téméraires pour oser s'en approcher. Là encore, la tentation était grande.

Tous ces trésors n'attendaient que la semi-elfe, et elle ne put se retenir plus longtemps. Retenant son souffle, elle avança la jambe ... Et la posa derrière la ligne.

Restait à espérer que quelque chose de terrible n'allait pas lui arriver ...

Et quelque chose de terrible....
.... N'arriva pas.

Au moment où elle l'enjambait, la ligne lumineuse se mit à briller avec intensité pendant quelques dixièmes de secondes avant de prendre une couleur verte foncée. Puis un son de cloche cristallin retentit. Un unique son de cloche qui résonna quelques secondes comme le sortilège d'identification fonctionnait.

Nathanaëlle avait beau se poser des questions sur son identité et son ascendance elfique, il semblait que le sortilège très ancien qui sommeillait en ces lieux la reconnaissait comme telle. Pour le reste, il lui faudrait choisir par quel bout explorer cette pièce.

Un franc sourire s'étala sur le visage du roublard. Il agita les mains pour détendre ses doigts crispés quelques minutes auparavant sur des outils de métal, et détailla du regard le contenu du coffre. Corde, torches, capes, gourdes, ... Le matériel semblait les attendre. Tout fait pour eux, pour les aider dans leur aventure. Restait la question de sa provenance. Encore une fois, les pensées de Reyan se mirent à défiler à toutes vitesses, tentant de définir les différentes possibilités et leurs répercussions.

La première possibilité était qu'une bande d'aventuriers dans leur genre les avait un jour devancé. Quand ? Bonne question. L'état de conservation du matériel pouvait laisser penser à quelque chose de récent, mais au vu de l'air sec et de la poussière dans la pièce, le taux de conservation pouvait être très bon. Le matériel pouvait donc dater de plus longtemps.
Il laissa de côté cette question.
"Admettons qu'on ne soit pas le premiers à s'aventurer ici..." Pensa-t-il. Dans ce cas, où étaient passés les aventuriers ? Que leur était-il arrivé. Tout bien renseigné qu'il était, depuis le temps qu'il traînait dans les bons endroits, il n'avait jamais entendu parler de ces passages, de ce grimoire, et même le Vieux Barjow n'était qu'une légende pour les enfants. Mais si les aventuriers n'étaient jamais ressortis, alors il ne restait que possibilités : soit ils étaient tous morts et il ne restait plus qu'à espérer que ses compagnons et lui ne subiraient pas le même sort ; soit ils erraient toujours dans ces galeries. "Assez glauque comme supposition" pensa-t-il.

La deuxième possibilité était que le coffre ait été placé là par... les Dieux savaient qui, pour permettre aux aventuriers dans leur genre de mener à bien leur quête. "Mouais... peu probable, mais tout de même plausible". Le problème était justement ce Dieux-sait-qui. Une personne honnête essayait peut-être de les aider. Mais une personne malintentionnée aurait sûrement piégé le coffre.

Il retint ses doigts à quelque centimètres de la corde en jurant. Heureusement que ses pensées défilaient sans qu'il s'en rende compte et que son cerveau tirait les sonnettes d'alarmes tout seul. Sinon, il se serait jeté dans la gueule du loup. Il retira lentement ses doigts de l'intérieur du coffre et alla chercher une pièce de cuivre dans sa bourse.
La tenant un instant entre le pouce et l'index à l'aplomb du matériel, il finit par la laisser tomber. Attendant de voir ce qui allait se passer.