La nuit était d'une noirceur absolue. La nouvelle lune avait emporté avec elle tout espoir de lumière, et les faibles étincelles des étoiles ne faisaient qu'indiquer vaguement où pourraient se trouver le ciel dans ce brouillard obscur. L'hiver approchait et le silence couplé au froid donnait une ambiance étrange aux environs de la cité blanche. Comme si une menace planait sur elle. Sa blancheur engloutie dans les ténèbres.
Dans le silence qui pesait comme une chape de plomb, un bruit résonna soudain, couinement effrayé d'un mulot se sauvant précipitamment. Ses petites pattes s'agitaient follement, semant derrière elles des feuilles mortes brisées par tous ceux qui les avaient foulés avant lui ; il accéléra encore, la menace se rapprochait, c'était fini... Le danger arriva sur lui, passa à quelques centimètres, et le dépassa sans s'arrêter, à une vitesse qu'on n'avait jamais vu dans une vie de mulot, et il rentra dans son terrier, soulagé. Compagne mulotte aurait droit à une sacrée histoire ce soir !
Loin d'ici, l'étrange menace avait déjà filé, aussi rapide que silencieuse, presque invisible. L'ours qui sommeillait gorgé de miel n'eut pas la chance du mulot. Il ne sentit presque rien, n'émit qu'un faible râle, la blessure létale à sa gorge ne saignant même plus. Un mouvement réflexe inconscient le fit ramener puissement sa patte, comme pour chasser un moustique, mais l'ennemi l'évita aisément. Il s'endormit d'un sommeil trop lourd et s'affaissa lentement aux pieds de l'arme, bordé de feuilles mortes rouges, jaunes, vertes, toutes noires et grises sous la non-lumière de cette nuit de fin d'automne.
La vampire ferma les yeux de la bête, lui murmura un -désolée- avant de partir d'un pas rapide. Sa soif enfin apaisée. Elle avait rarement été aussi assoiffée que ce soir-là.
Arrivée aux abord de la Cité elle ralentit. Vêtue d'une tunique courte et d'un long pantalon de chasse, sa tenue sombre la rendait presque invisible. Seule sa longue tresse, dont s'échappaient de nombreuses mèches folles, se parait de reflets d'un rouge sombre, rouge sang sous la nuit sombre. Avec ses yeux écarlates et sa bouche ensanglantée, elle prenait l'air cette nuit de ce qu'elle était vraiment : un vampire.
Presque arrivée devant les portes, elle remarqua la silhouette au-devant d'elle. Vêtue de noire, chasseresse ou guerrière, la seule chose qu'elle pouvait deviner était qu'elle se trouvait en présence d'une silhouette masculine.
Elle laissa ses pas s'entendre, un bruit infime mais perceptible, et quand elle fut sûre qu'il l'avait entendue approcher, elle murmura, d'une voix douce mais claire et ferme :
- Bonsoir.
La vampire était aux aguets. S'était manifestée pour ne pas effrayer l'inconnu. Mais quelque chose lui disait qu'il ne le serait pas. Ami ou ennemi ? Sur ses gardes, elle ne chercha pas à masquer le danger qui émanait d'elle, attendant seulement la réaction de la personne devant elle. Étranger cherchant asile ou âme mal intentionnée ? Elle n'allait pas tarder à le savoir.
Sujet: Nuit noire où même la Lune s’est dérobée 
Mar 10 Nov - 14:26
