Quand la Lune se mêle au Sang

[hrp] Désolée pour le retard ! [/hrp]

Était-ce la fatigue, la lassitude, ou son esprit distrait qui empêchèrent Nathanaëlle de se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond ? Nul n'aurait su le dire. Toujours est-il que la jeune elfe cheminait tranquillement, perdue dans ses pensées, affinant les détails d'un plan qu'elle espérait grandiose. Elle avait hâte de le mettre à exécution, de surprendre ses amis et, qui sait, peut-être se surprendre elle-même ...

Elle imagina la tête que ferait Anarion lorsqu'elle lui parlerait de ce qu'elle prévoyait ... mais lui en parlerait-elle ? En étaient-ils là ? À partager des secrets, des plans d'avenir, des projets ? Elle l'ignorait et ne tenait pas, pour autant qu'elle le sache en cet instant précis, à le découvrir de sitôt. Non, elle ne lui dirait rien. Il l'apprendrait en même temps que les autres, et il serait bien temps alors d'étudier sa réaction et d'en parler avec lui, si tel était son souhait.

Mais alors qu'elle se faisait ces réflexions, la semi-elfe jetait des regards furtifs vers son ami elfique, et ce qu'elle voyait ne lui plaisait guère. Anarion avait l'air tendu, en alerte, comme s'il s'attendait à être attaqué à tout instant. C'est cela, plus que tout autre chose, qui alerta Nathanaëlle. Et si ce qu'elle avait pris jusqu'alors pour de la rudesse et de la mauvaise humeur était en fait autre chose ? Et si Anarion avait bel et bien remarqué un danger qui lui avait échappé ?

Elle tenta de se concentrer autant qu'il lui était possible sans ralentir l'allure ni alerter les autres par une attitude étrange; rien en fait dans sa manière d'être ne traduisait le changement qui venait de s'opérer dans son esprit. La jeune fille resta à l'écoute, en alerte, faisant taire ses pensées, et elle le sentit aussi. Une tension, presque imperceptible, mais tout de même présente.

Elle ne perdit pas de temps à se demander d'où elle venait; ils n'étaient que trois à cheminer de front, et elle avait toute confiance en Anarion. Restait la nouvelle. Quant à savoir ce qui clochait avec elle, c'était une autre histoire. La guerrière n'en avait aucune idée et, n'eut été la politesse la plus élémentaire, elle aurait demandé à Zalie de but en blanc ce qui clochait chez elle. Mais hélas la jeune elfe, comme beaucoup de son espèce, attachait beaucoup d'importance aux convenances et aux codes de conduite, si bien qu'elle s'abstint de poser la question. Elle se contenta de se demander s'il y avait une chance, même infime, pour que cette tension dans l'air ne soit rien d'hostile, qu'elle soit due peut-être à la race de la jeune inconnue, à son caractère ou à un quelconque artéfact magique qu'elle porterait sur elle ... Mais la méfiance d'Anarion lui faisait craindre le pire.

N'osant rien dire devant Zalie, ne sachant quelle attitude adopter, Nathanaëlle serra la main d'Anarion dans la sienne tout en faisant glisser son épée, d'un geste nonchalant, d'un demi-centimètre hors de son fourreau.

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Il n'aurait pas cru cela possible, mais l'atmosphère semblait s'alourdir encore de seconde en seconde. Anarion commençait à se demander s'il n'était pas en train de perdre la tête; en effet, Nathanaëlle ne semblait pas aussi tendue que lui. Peut-être s'était-il prit la tête pour pas grand-chose? Peut-être, à force de fréquenter des vampires et des êtres sombres, son instinct s'était-il déréglé?
Il se força à respirer, à se calmer. Ce n'était pas digne de lui! Il devait faire meilleurs figure.
Il faisait doux, bien qu'encore un peu frais, et un vent tiède soufflait dans la ruelle, sur lequel il essaya de se concentrer pour chasser la tension et la méfiance.
L'étrange inconnue, Zalie, marchait à côté d'eux. Elle semblait tout à fait détendue, même plus qu'avant, et un sourire qui n'avait rien d'agressif flottait sur son visage. Tu vois, elle n'est pas hostile... essaya-t-il de se convaincre. Mais il restait sur ses gardes. Quand nous serons à la taverne, elle ne pourra rien faire devant tant de monde, même si ses intentions sont hostiles! essaya-t-il à nouveau, mais rien n'y faisait. Son subconscient n'était pas si facile à convaincre...
Il sentit une légère pression, presque imperceptible, sur sa main, et se retint de regarder la semi-elfe. Que voulait dire ce signal? Nathanaëlle avait-elle ressenti quelque chose, elle aussi?
Son subconscient, ravi, augmenta encore sa méfiance. Cela n'allait pas du tout... il fallait détendre l'atmosphère.

- Nous y sommes presque. Je me souviens quand je suis arrivé ici, c'est Arthémise qui m'avait accueilli... et toi tu étais restée à nous observer dans ton coin, se rappella-t-il avec un sourire. C'était une bonne idée; se remémorer des souvenirs pourrait le détendre.

Mais il ne voulait pas trop se détendre non plus...

La louve eut soudain un rictus inquiet. Non ! L’elfe ne pouvait pas balancer ce prénom ! Elle sentit aussitôt l'humaine gigoter dans sa prison mentale. La louve eut un grondement sourd, et disparut peu à peu, malgré tout son acharnement à garder le contrôle, et disparut, laissant place à un noir total…

Silence.

Une petite fille, sept ou huit ans maximum. Elle court après sa petite soeur, qui en a deux ou trois. Toutes deux courent dans une grande salle, autour d’une magnifique table en chêne. La plus grande fait semblant de ne pouvoir attraper sa soeur, qui éclate d’un rire malicieux avant de se jeter sous la table, cachée aux yeux de sa soeur.

La scène change. Nous sommes dans une chambre magnifique, avec des tentures rouges sang et un magnifique lit à baldaquin, où se tient notre Zalie, âgée de trois ans. Elle dort, visiblement dévorée par la fièvre. Sa soeur est assise à son chevet, tenant la toute petite main de sa fragile petite soeur.

Zalie, quatre ans. Elle se tient devant un enclos de sable blanc, où sa soeur prend son cours d’équitation habituel. La petite Zalie montre son enthousiasme, et proclame que sa soeur est son modèle, et que elle aussi elle montera à cheval !

Un an plus tard, premier cours d’équitation de Zalie.Toujours dans l’enclos de sable. Elle monte un poney blanc appelé Tamise. Elle est si fière qu’elle se pavane, la tête fièrement dressée, sous le rire amusé et charmant de sa soeur.

C’est l’anniversaire de Zalie. Elle a six ans. Ils sont dans une immense salle de réception, où des centaines d’invités se pressent pour l’apercevoir. Elle s’ennuie. Sa soeur arrive discrètement par derrière, et l’entraîne dans un coin, pour lui offrir son cadeau. Un magnifique carnet en cuir, avec au centre une pierre bleue, de l’amazonite. En effet, Zalie sait écrire depuis quelques mois, et elle adore ça. Elle saute dans les bras de sa soeur, et lui fait un bisou, les joues roses de plaisir.

Les deux soeurs sont allongées sur une nappe, dans une clairière. L’une a sept ans, l’autre treize. Elles contemplent les nuages après leur délicieux pique-nique. Zalie en montre un en forme de chat. Sa soeur rit, et lui montre un faisant office de pelote de laine, pour que le chat joue avec…

Un an plus tard. Zalie tente d'échapper à sa gouvernante Mademoiselle Maria. Elle est cachée derrière de lourdes tentures dans une pièce sombre et peu utilisée. La porte s'ouvre, et quelqu'un tire le rideau. Zalie sursaute et crie de peur, avant d'exploser de rire en voyant sa soeur. Les deux filles partent soudain en courant en entendant le pas de rhinocéros de leur préceptrice.

Zalie a 9 ans. Elle est dans une carrière et monte pour la première fois un cheval, nomé Zéphir. C'est un magnifique cheval, un arabe, au pelage cerise chatoyant au soleil. L'enfant grimpe sur son cheval, heureusement plutôt petit. Une connexion semble demeurer entre eux. Elle le lance soudain au galop, et saute la barrière de la carrière, sous les cris indignés de Mademoiselle Maria. Elle fait courir Zéphyr le long d'un chemin menant à un paddock ou se trouve sa soeur et son cheval. Celle-ci monte aussitôt à cheval puis elles partent se balader dans les bois en riant, pensant à la tête de leur gouvernante.

Nous nous trouvons encore une fois dans la chambre de Zalie, 10 ans. Elle est assise devant une magnifique coiffeuse délicatement sculptée, sa soeur debout derrière elle, une brosse à la main. Zalie pousse des cris dès que la brosse touche ses cheveux, mais sa soeur finit néanmoins par réussir à lui faire une magnifique tresse, donnant l'air plus mûr et plus majestueux à sa petite soeur. Zalie regarde le miroir, bouche bée, et finit par se jeter dans les bras de sa soeur pour la remercier.

Un an plus tard, Zalie pleure dans les bras de sa soeur. Son cheval, Zéphir, n'est plus. Il est mort d'une affreuse maladie. Sa soeur la serre étroitement en retour, pour tenter de la consoler. Quelques jours plus tard, elle fait une surprise à Zalie. Elle lui amène un magnifique étalon d'un noir de jais, un Frison immense, piaffant d'impatience. Il fut aussitôt appelé Tornade, en raison d'un tourbillon blanc présent sur son flanc gauche. Zalie regarde sa soeur, le regard emplis de gratitude.

Zalie, 12 ans, se faufile dans les grands et sombres couloirs du château, en plein milieu de la nuit. Elle finit par s'arrêter devant une porte, l'ouvre et rentre. Elle s'approche de l'immense lit à baldaquin, se glisse sous les couvertures, et se blottit contre sa grande soeur, endormie.

Toutes les images se bousculèrent, se confondirent, pour former un grand tableau lumineux.

Arthémise…

L'être le plus important au monde. La conscience de Zalie se réveilla, comme piquée, et elle reprit brusquement le contrôle de son corps et de son esprit. Une larme de sang roulait sur sa joue. La louve avait disparue. Elle ne s'en rendit même pas compte, toute son attention fixée sur l'elfe.

-Où vis cette Arthémise ?

Il était son dernier espoir...

» Nuit noire où même la Lune s’est dérobée
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