Silhouettes enneigées

Encore une fois, Arthémise avait senti la soif s'emparer d'elle, insidieuse. Comme souvent, elle avait commencé par l'ignorer quelques jours, avant de se résigner à partir chasser. Rester assoiffée n'était pas une solution : elle perdait alors le contrôle et risquait de blesser n'importe qui. Pourtant, lorsque ses instincts ne prenaient pas le dessus, lorsqu'elle était pleinement consciente de ses actes, elle se détestait pour ses chasses et pour ses cavales, qui n'étaient pas la bonne option non plus. C'était seulement une façon d'éviter le pire...

Cette fois-ci, elle était partie dans la montagne. Cela faisait longtemps qu'elle n'était pas allée chasser sur les sommets et elle avait bien envie d'y aller, autant pour chasser que pour y trouver un peu de solitude.

Comme à son habitude, elle avait repéré une piste et avait décidé de la suivre. C'était un loup, qui semblait s'être éloigné du troupeau.

Au cours de sa file, elle s'était étonnée. L'odeur était nettement perceptible, les traces de pas évidentes sur la neige. Les loups étaient d'ordinaire de fins chasseurs, et il savaient se rendre presque invisible. C'était comme si celui-ci avait délibérément laissé des traces afin d'être retrouvé.

Lorsqu'elle l'avait rejoint, il semblait l'attendre. La fixant droit dans les yeux, ses grands yeux ironiques semblaient lui dire qu'il savait. Qu'il savait qu'elle venait pour le tuer, et qu'elle était trop faible pour contrer ses pulsions. Cet étrange regard fit remonter un souvenir chez la vampire.

Ils se trouvaient tous deux face à face. L'homme comprit qu'il avait perdu. Il était trop tard, il n'y avait plus rien à faire. Il était condamné.
Tremblant, il releva la tête, soutenant de ses yeux bruns le regard écarlate de la femme qui le dévisageait.
Le sang sur son visage d'un blanc de neige, ses yeux écarlates, ses cheveux flamboyants ondoyant autour de sa robe de la même couleur... Il réprima un frisson. Comment pouvait-elle être aussi belle, et pourtant aussi effrayante ? Monstrueuse ?

Figée, elle pencha la tête sur le côté, l'observant comme il l'observait. Mais très rapidement, cette attente lui devint insupportable.



- Allez, qu'est-ce que tu veux à la fin ? Je sais que tu veux me tuer, vas-y, qu'on en finisse !

Alors il vit une lueur de surprise dans les grands yeux scarlatins. Comme si elle-même refusait de le faire... La vampire paraissait hésitante.
Mais il n'y avait rien à faire. Il savait qu'il était condamné. Alors, avec un cri de rage, il sortit le poignard qu'il avait dissimulé, et qui ne lui servait à rien contre elle, et trancha les veines de son poignet. Tendant son bras sanguinolent devant elle, il hurla, fou de rage et de peur :

- Allez, je t'ai dit ! Dépêche-toi !


Les yeux de la femme rouge brillèrent d'un éclat aussi sublime que terrifiant. Il se laissa absorber par la contemplation de cette apparition qui lui paraissait soudain divine et se laissa glisser à terre, à moitié retenu par ses bras à elle. Ses paupières se fermaient seules... Il ne sentait plus la douleur, emporté par une torpeur d'une invincible douceur.

- Enfin... Souffla-t-il.

Les yeux jaune du loup ramenèrent Arthémise à la réalité. L'animal la fixait toujours.

Ce fut elle qui perdit son sang froid. Poussant un cri de rage, elle recula et fit demi-tour. Elle avait très bien compris le petit jeu de l'animal, anormalement intelligent pour un loup. À moins qu'elle ne devienne folle ? Elle ne pouvait pas le tuer, elle s'y refusait. C'était... C'était à n'y rien comprendre.

Derrière elle, elle entendit le cri de l'animal, comme un ricanement. Fermant les yeux, elle crispa le poing.

Cette virée dans la montagne venait de prendre une toute autre dimension.

La vampire avait déjà fait cet essai, mais chaque fois elle échouait lamentablement. Ici, personne ne pourrait venir la tenter.
Elle allait refuser de boire, se pousser elle-même à bout, et ainsi voir jusqu'où elle pourrait aller.


***

Quelques heures plus tard, la vampire n'avait pas changé d'avis. Le soleil, caché toute la journée derrière les nuages, s'était finalement couché, et tout s'était dégagé, laissant apparaître un ciel d'un noir d'encre, illuminé d'étoiles qui faisaient étinceler la neige. C'était magnifique.

Relevant la tête, Arthémise ferma les yeux, laissant le vent et la fraîcheur de la nuit en altitude effleurer sa joue. Le capuchon de sa cape d'un rouge sombre, presque noir, glissa, laissant sa longue crinière glisser jusqu'à ses reins.

Seule au monde, la vampire respira doucement, tentant de trouver un peu de sérénité. Même si l'épreuve qu'elle s'infligeait allait être pénible, l'essentiel était qu'ici, elle ne pourrait tuer personne. Tout irait bien.

La fraîcheur de la nuit tombante enveloppait la vampire comme un long manteau noir. Sous ses paupières closes, elle devinait l'étrange clarté des étoiles. Rouvrant les yeux, elle observa la lune monter, doux croissant finement sculpté dans ce qui semblait être un mélange de nacre et de diamant céleste. Majestueuse, ses rayons d'argent se reflétaient sur le sol immaculé, faisant briller des cristaux de neige comme autant d'astres tombés sur terre.

Se concentrant sur ce qu'elle percevait, elle laissa son esprit se fixer sur la paix environnante. Le paysage magnifique était enveloppé d'un silence feutré, laissant la nature ensommeillée se préparer à la nuit.
La vampire inspira profondément, essayant de laisser rentrer ce calme en elle.
La douceur environnante la perturbait, entrant en conflit avec ses émotions, de plus en plus exacerbées à mesure que sa soif augmentait. Elle sentait ses mains trembler légèrement, de façon encore imperceptible... Mais ce tremblement s'intensifierait jusqu'à ce qu'elle accepte enfin de boire. Ses réflexes la poussaient à courir, à partir chasser, et une espèce de colère sourde bouillonnait en elle, comme pour la rendre plus agressive et la pousser à tuer.

Le processus de la soif était rapide. D'abord, Arthémise la ressentait, et éprouvait alors le désir de la calmer. Elle partait souvent chasser quand cette envie la saisissait, de peur que la suite de cet étrange processus ne l'empêche de se maîtriser.
Car au fur et à mesure que son besoin de se nourrir augmentait, sa perception évoluait. Petit à petit, elle entendait mieux encore que d'habitude les cœurs battre, le sang pulser dans les corps. Cela devenait la seule chose qu'elle voyait, des corps, des espèces de poches de sang à portée de main. Elle oubliait qu'il s'agissait de vies humaines, pour ne plus voir que le sang autour d'elle.
Ce besoin se faisait de plus en plus oppressant, et alors Arthémise commençait à trembler. Comme un ivrogne en manque d'alcool, elle devenait agressive, perdait conscience de ce qui arrivait autour d'elle pour ne retenir que le sang. Ses cernes se creusaient et sa tête bourdonnait, l'empêchant alors de réfléchir jusqu'à ce qu'elle craque.

Jamais Arthémise n'était allée plus loin. À ce moment, elle n'était plus qu'une espèce de bête féroce, un monstre sans aucune conscience, qui ne pensait qu'à une chose : étancher sa soif. Et chaque fois qu'elle avait ainsi essayé de s'assoiffer pour éviter de tuer, cela avait eu l'effet inverse.

Mais ici, il n'y avait personne à des kilomètres à la ronde. Elle ne pourrait pas blesser qui que ce soit. Elle allait pouvoir tester ses limites, voir jusqu'où elle était capable d'aller. Peut-être pourrait-elle ainsi dompter sa soif ?
Un frisson la saisit. Elle sentait déjà la soif s'agiter en elle, comme une vie propre, indépendante, s'apprêtant à bondir sur la vampire pour la forcer à se nourrir.
Elle eut un sourire ironique.

Vas-y, lâche ta haine, fais-moi devenir ce que je suis. De toute façon, tu ne parviendras à rien.

Un bruit infime la tira de ses pensées et la vampire se figea, attentive à tout ce qu'elle pouvait entendre. C'était... Presque imperceptible. Comme un souffle de vent, à peine plus fort que ceux qui l'effleuraient, faisaient danser ses cheveux.
Le bruit se confirma ensuite. Quelqu'un marchait dans la neige.
Tous ses plans tombaient à l'eau. Qui pouvait bien venir ici, en pleine montagne, à la nuit tombée ?

Se retournant, elle observa une jeune femme s'approcher d'elle. D'une beauté irréelle, ses cheveux d'un blanc immaculé encadraient un visage où ses yeux d'un bleu profond semblaient dévisager la vampire, comme s'ils connaissaient tout d'elle.
Aux aguets, inquiète à la fois de voir l'inconnue s'approcher d'elle et de ses propres pulsions, Artémise retint à grand peine un mouvement de recul. Effrayée de ce qui pourrait arriver. Assoiffée, le visage marqué de cernes violacées causées par son refus de se nourrir, les cheveux épars autour d'elle, elle avait l'air d'une bête sauvage.

L'inconnue cependant continua de venir vers elle, marchant à pas lents, comme pour ne pas l'effrayer. Prenant sur elle-même, la vampire se força à rester, attendant de voir ce qui allait se passer. D'une voix douce, la femme prit alors la parole :


« -Tu ne peux pas rester comme ça. Tu risquerais de devenir une créature bien pire qu’un simple vampire. Il faut que tu te nourrisse. Tiens. »

Incrédule, Arthémise saisit la gourde qu'on lui tendait et la garda entre ses mains, les yeux rivés sur l'objet. Comme cette femme savait ce qu'elle était ? Comment savait-elle qu'elle avait soif ?

Une question cependant se dessina parmi toutes les autres, et la réponse, évidente, s'imposa alors à elle :

- Alors il est mort... Chuchota-elle d'une voix emplie d'une ineffable tristesse. Sa main se crispa sur la gourde.

Elle ne pouvait plus réprimer ses tremblements.

Le vampire fini par saisir la gourde remplit de sang que l’ange lui tendait. Toute fois elle ne but pas. Elle tremblait de tout son être. Elle tremblait, oui, mais non de froid. Kéa pouvait voir les traits de la soif imprimé sur le visage de la jeune fille. Des cerne profonde et bleu soulignait un regard presque féroce. Puis cette férocité s’effaça aussi rapidement que le vampire comprit d’où venait le sang. Une grande tristesse envie alors les grands yeux rouges de la jeune fille. Kéa en eu presque le cœur brisé. Elle comprenait ce que pouvait ressentir un jeune vampire qui n’avait aucun gène de chasseur. Elle semblait se haïr d’être ce qu’elle était. Il était noble de sa part de vouloir épargner toutes vie. Mais c’est elle qu’elle finirait par effacer si elle s’obstinait à ne pas vouloir se nourrir.

Qu’est-ce qui poussait Kéa à lui venir en aide ? Elle n’en savait rien. Depuis quand c’était-elle mise à aider les gens ? Elle ne savait plus. Tout ce qu’elle savait c’est qu’ici et maintenant cette jeune fille devait être aider.

- Alors il est mort... Chuchota-elle d'une voix vacillante de tristesse. Sa main se crispant sur la gourde.

« - Oui. Puis après une courte pose l’ange enchaina. Il ne tenait plus à la vie. La vie solitaire lui était devenu insupportable et la meute ne voulait plus de lui. Il à vue ton arrivé comme une bénédiction. L’ange fit une autre pose avant de finir d’une voix froide. Mais tu lui as refuser. »

L’ange vint s’assoir dans la neige à côté du vampire. Elle était froide et braillait comme un millier de cristaux. C’était vraiment un paysage sublime que l’ange aimait pardessus tout. Un paysage glacial. Aussi glacial qu’elle avait pu l’être autrefois. Le vampire ne buvait toujours pas.

« - Il faut vraiment que tu te nourrisses. Je ne tiens pas vraiment à devoir abattre un monstre dans la cité que j’aime. D’autant plus si on peut éviter que tu deviennes un monstre. Je sais que tu dois penser que tu es déjà un monstre. Dans un sens et pour certaine personne c’est vrai. Mais crois-moi, si tu te laisser mourir de soif, la chose que tu deviendras alors sera mille fois plus terrifiante. Tu ne sauras même plus qui tu es. »

Kéa laissa le temps à la jeune fille d’assimiler ses paroles. Elle en profita pour regarder le ciel qui se remplissait peu à peu d’étoiles. Il n’existait pas une telle vu, que ce soit au paradis ou aux enfers. Les ciels étoiles était une chose qu’on pouvait admirer qu’en étant sur terre. Et l’ange ne se lassait jamais de lever la tête la nuit pour admirer ses lumières scintillantes. Promesse de monde encore inexploré.

La jeune femme femme alla droit au but, répondant sans détours à la question de implicite d'Arthémise.


« - Oui. Il ne tenait plus à la vie. La vie solitaire lui était devenu insupportable et la meute ne voulait plus de lui. Il à vue ton arrivé comme une bénédiction. L’ange fit une autre pose avant de finir d’une voix froide. Mais tu lui as refuser. »

Arthémise ne releva pas les yeux à la remarque. Elle avait mal interprété le comportement de l'animal, croyant qu'il se jouait d'elle. Alors qu'il voulait mourir... Était-ce possible ? Qu'est-ce qui avait bien pu mener ce noble loup jusqu'aux portes du désespoir et de la folie ? Pour qu'il vienne se jeter sous les crocs de la vampire ?
Et son comportement à elle, avait-il été égoïste ? Aurait-il été plus juste d'accéder à sa requête, si elle l'avait comprise, et de le tuer ? Sans douleur et le plus rapidement possible, simplement de lui ôter la vie ? Puisque c'est ce qu'il souhaitait...
La mort se présentait sous un autre angle. Personne ne souhaitait mourir. Du moins personne de sain d'esprit. Et elle état obligée de l'apporter à des innocents... Aujourd'hui elle aurait pu la donner, non comme une malédiction, comme un acte de cruauté, mais comme une bénédiction, une délivrance. S'agissait-il de mauvaise foi, d'excuse pour oublier que son comportement était inacceptable ?
Perdue, elle gardait le regard rivé sur la gourde. La jeune femme vient s'assoir à ses côtés, et reprit la parole.


« - Il faut vraiment que tu te nourrisses. Je ne tiens pas vraiment à devoir abattre un monstre dans la cité que j’aime. D’autant plus si on peut éviter que tu deviennes un monstre. Je sais que tu dois penser que tu es déjà un monstre. Dans un sens et pour certaine personne c’est vrai. Mais crois-moi, si tu te laisser mourir de soif, la chose que tu deviendras alors sera mille fois plus terrifiante. Tu ne sauras même plus qui tu es. »

Arthémise appréciait le franc-parler de la jeune femme. C'était la première fois que quelqu'un admettait la vérité. Que quelqu'un admettait qu'elle était un monstre. Et c'était étonnement rassurant. Comme si cette femme qu'elle ne connaissait pas était la seule à ne pas lui mentir, à voir ce qu'elle était vraiment.
Ce qu'elle disait était paradoxalement tentant. La vampire aurait bien voulu lui dire de la tuer sur le champ, puisqu'elle évoquait cette possibilité. Mais elle doutait que ce soit ce que la jeune femme souhaite entendre...

Et hélas... L'inconnue avait raison. Il fallait qu'elle se nourrisse... La gourde qu'elle tenait semblait lui brûler les doigts. C'était plus fort qu'elle, il fallait qu'elle se nourrisse... Ce désir irrépressible et ô combien frustrant, elle se voyait forcée de l'assouvir...

Une boule de colère s'alluma en elle devant les menaces à peine voilées de la femme. Tuer le monstre ? Elle avait hâte de voir ça... Elle n'avait qu'à essayer !
Elle comprit alors que la soif la rendait agressive, une fois de plus. Que ce type de pensée, ce n'était pas elle, mais tout ce qu'elle essayait d'esquiver. Et pour ça, la seule solution était dans sa main...

Lentement, comme si elle se battait encore contre elle-même, elle ouvrit la gourde, porta le goulot à ses lèvres. Fermant les yeux, elle renversa la tête et laissa le liquide couler dans sa gorge, venir apaiser sa souffrance.
L'instinct en elle se réveilla, de nouveau, et, perdant conscience du monde environnant, elle se cramponna à la gourde, avalant à grandes goulées, assoiffée. Trop vite, le récipient fut vide.
Rouvrant les yeux, petit à petit elle se rappela où elle était, qui elle était. Encore une fois, elle avait été rattrapée par ses pulsions qu'elle n'avait même pas pu contrôler en voulant les satisfaire.
La gourde lui échappa des mains et roula dans la neige, juste devant elle, comme une preuve mise en évidence. Comme s'il y avait besoin de ça... Elle savait qu'en quelques instants son physique avait changé. Aura plus attirantes, cernes atténuées, yeux plus brillantes, lèvres plus rouges, le sang qui coulait dans ses veines, s'il n'était pas le sien, injectait cependant la vie dans son propre corps.
Nerveuse, elle jeta un regard vers le ciel, laissant la vue extraordinaire l'apaiser. Les étoiles étincelaient presque autant que la neige dans laquelle les deux femmes étaient assises. Le monde semblait un miroir, où les paillettes des cieux se reflétaient dans les cristaux de glaces, à moins que ce ne soit l'inverse...
Tournant la tête, elle observa la jeune femme à ses côtés, retenant ses questions. Qui était-elle ? Comment avait-elle su ce qu'était Arthémise, et ce qu'elle projetait de faire ? Et elle, que faisait-elle ici, seule de nuit, en pleine montagne ?

Plus que tout, la vampire aurait voulu effacer les derniers instants. Alors, tant par curiosité que pour éviter le sujet qui la hantait, à son tour, d'une voix rauque, elle prit la parole :

Comment t'appelles-tu ?

Ne pouvant retenir un sourire, elle reprit :

- Que je connaisse au moins le nom de celle qui pourrait me tuer au sein même de la cité...

Arthémise, qui avait bien sûr remarqué les grandes ailes de Kéa, ne réalisa cependant ce qu'elle était que lorsque celle-ci le formula.
Un ange.
Elle eut envie de s'écarter. D'être si proche de la jeune femme, elle avait peur que sa simple présence ne souille la créature céleste. Un ange et un vampire, côte à côte... L'illustration d'un oxymore.

Créée pour les âmes innocentes...

Décidément oui, elle ne pouvait rester ici, si proche de l'ange. Elle avait peur de ternir sa lumière.
Apercevant sa main, elle eut un sourire ironique. Elle était aussi blanche que la neige, et à son doigt ressortait, brillant, presque sanglant, le rubis dont elle n'avait jamais pu se séparer. C'était, semblait-il, la main d'une jeune femme. Et pourtant combien de fois cette main avait-elle répandu le sang, Arthémise avait peur de la réponse.
C'était la main d'une meurtrière folle et cruelle. La vision lui devint insupportable, et elle ferma les yeux. Mais sous sa prunelle, l'image de cette main, blanche sur la neige immaculée, restait presque violemment, refusant de s'estomper. Telle était la vérité.
Il était presque étonnant que Kéa n'ait pas tenté de la tuer tout de suite, avant de se poser la moindre question.

-Je peux te venir en aide. D’aider à accepter qui tu es et le vivre comme tu en as envie. Tu n’es pas obligé de t’infliger ses remords en permanence. Être un vampire ne signifie pas forcément être un monstre assoiffé de sang. Il y a d’autres possibilités. Tu n’es pas obligé de vivre ça seule.


Arthémise resta assise, presque aux pieds de l'ange, perdue dans ses pensées.
Pourquoi un ange apporterait son aide à un vampire comme elle ? C'était... Inattendu. Presque incohérent. Si le rôle de Kéa était de protéger les âmes innocentes, son rôle à l'inverse, aurait dû être de la tuer.

Elle laissa échapper un rire, un rire presque inquiétant. Sombre, ironique, sans joie aucune.

Puis, à son tour, elle prit la parole.

- C'est bien trop tard.
Marquant une pause, elle reprit, pensive :

En toute logique, tu aurais dû me tuer. Alors pourquoi...?


Sans attendre la réponse, elle sauta sur ses pieds et conclut.


- Ne perds pas ton temps.
Sur ces paroles sybillines, elle s'éloigna, et lança, sans se retourner :

- Et si jamais, te croisant dans la cité, un pieu venait s'égarer dans ma gorge... Je ne t'en voudrais pas.

Elle continua de marcher, sans chercher à semer l'ange mais sans vraiment s'attendre à ce que celle-ci ne la suive non plus. La colère bouillonait en elle, sans vraiment qu'elle sache pourquoi. Elle était en colère contre elle-même. Contre la vie, qui proposait des opportunités aux plus mauvais moments. Kéa aurait tellement pu lui apporter, lorsqu'elle découvrait tout.
Mais comme elle l'avait dit elle-même quelques instants plus tôt, il était trop tard désormais. Ravalant ses larmes et sa colère, elle continua d'avancer, tentant d'ignorer ce cri qui résonnait douloureusement en elle.


Trop tard... Trop tard... Trop tard...

- C'est bien trop tard. Marquant une pause, elle reprit, pensive : En toute logique, tu aurais dû me tuer. Alors pourquoi...? Sans attendre la réponse, elle sauta sur ses pieds et conclut. Ne perds pas ton temps. Sur ces paroles sybillines, elle s'éloigna, et lança, sans se retourner : Et si jamais, te croisant dans la cité, un pieu venait s'égarer dans ma gorge... Je ne t'en voudrais pas.

-Il n’est jamais trop tard. Après quelques seconde silence l’ange rajouta : il n’est jamais trop et encore moins pour des immortels comme toi et moi.

Elle était jeune, si jeune encore. Elle aurait tout le temps de se rendre compte que la vie qu’elle avait était une vie qu’il fallait garder. Qu’au plus profond d’elle son âme s’accrochait à cette vie et qu’elle finirait avec le temps par regretter de ne pas avoir saisi les mains qui lui ont été tendus. Elle réagissait comme une adolescente en proie à des tourment internes qui lui semblait insurmontable. Alors qu’il semblait bien dérisoire aux yeux de l’ange. Kéa voulait la secouer, lui hurler dessus, lui crier d’arrêter d’être une enfant et qu’il était temps pour elle d’agir différemment. Mais l’ange savait que cela ne servirait à rien. La vampire était dans un états psychologique beaucoup trop dépressif pour être réveiller par des simples cris. Elle entendait résonner dans la tête de la jeune femme des mots qui n’aurais pas dû s’y trouver.

Trop tard... Trop tard... Trop tard...

-Il est trop tard quand il n’y a plus rien à faire. Soit raisonnable. Si tu tenais tant que ça à mettre un terme à ton existence tu choisirais un moyen plus radical que de te laisser mourir de soif. La soif ne mettre jamais un terme à ton existence elle te transformerait juste en monstre qu’il faudrait abattre.

Ses mots l’ange les pensait. Ça l’avait frappé la jeune femme ne tenait pas à mourir elle voulait se transformer en se monstre qu’elle pensait être. Mais elle ne l’était pas ou du moins pas encore et il était encore temps qu’elle ne le devienne jamais.

-Si tu veux réellement mourir il faudrait mieux d’exposer au soleil, certes c’est douleur. Mais au moins c’est radical et irréversible. Mais comme tu es toujours là je suppose que soit tu crains la douleur soit tu ne tiens pas tellement à disparaitre.

En quelque enjambé Kéa arriva à hauteur du vampire.

-J’ai un marché à te proposer. Tu n’es pas obligé de l’accepter maintenant.

Cela faisait plusieurs marchés qu’elle proposait en quelques jours kéa souris intérieurement à cette pensé. Après avoir passé tant de temps en compagnie de démons elle avait fini par prendre certain de leur trait de caractère, comme passer des marchés avec des âmes perdues ou à la dérive. Cela dis elle ne les passait jamais pour avoir quelque chose en retour.

-Si tu acceptes mon aide je peux faire en sorte que tu te sentes mieux et t’apprendre à repérer les proies qui attendent la mort comme une délivrance. A trouver des habitudes qui te permettre de vivre celons tes critères de bonté. L’ange fit une pose. Si tu acceptes mais qu’on ne parvient pas à attendre ton idéal, promis je serais celle qui t’enfoncera un pieux dans le cœur.

L’ange espérait réellement que la vampire ce déciderait à essayer. Peut-être pas dans l’immédiat peut être que ça lui prendrait plusieurs jours, mois, années, siècles à ce décider. L’avantage c’est que Kéa serait toujours là pour remplir ça part du marché.

-Et si tu refuses et que tu t’obstine à te laisser mourir de soif je serais toujours là pour t’obliger à boir avant que tu ne deviennes un monstre sanguinaire. Et je peux t’assurer que je serais là jusqu’à la fin des temps. Et je ne perdrait jamais mon temps en essayant de t'aider je n'ai que ça à faire pour les siècles à venir.

La vampire retint un ricanement à la remarque de Kéa. Elle, pas envie de mourir ?
Elle repensa soudain à ce jour ou elle avait laissé Edwin essayer de la tuer. Et à sa déception, à cet élan de frustration qui l'avait saisie lorsqu'il s'était arrêté juste à temps. Lorsqu'elle avait compris qu'elle ne mourrait pas. Pas cette fois du moins.

Quelle tristesse...

Mais qu'importait. L'ange avait raison, refuser de boire ne la ferait pas mourir et elle le savait. Alors qu'avait-elle essayé de faire ? Sûrement juste de repousser l'échéance. Ça n'avait aucun sens.
Peut-être qu'il n'y en avait jamais eu.
Kéa vint se mettre à sa hauteur, la forçant à s'arrêter et à l'écouter vraiment.


-J’ai un marché à te proposer. Tu n’es pas obligé de l’accepter maintenant.

Elle haussa un sourcil, surprise, mais prête à l'écouter. L'ange reprit :

-Si tu acceptes mon aide je peux faire en sorte que tu te sentes mieux et t’apprendre à repérer les proies qui attendent la mort comme une délivrance. A trouver des habitudes qui te permettre de vivre celons tes critères de bonté. Si tu acceptes mais qu’on ne parvient pas à attendre ton idéal, promis je serais celle qui t’enfoncera un pieux dans le cœur.

Arthémise la regarda, stupéfaite. Le temps s'était arrêté, elle ne voyait plus que les yeux bleus de l'ange, auxquels elle s'accrocha.

- Tu peux vraiment faire ça ?

C'était plus le reflet de sa surprise qu'une vraie question. Les yeux de rubis sondèrent les yeux d'azur, fébriles, inquisiteurs, et un tourbillon d'émotions les submergèrent.
Mais l'air décidé avec lequel l'ange parla, engagée dans sa décision de l'aider, acheva de la convaincre. Finalement, la rouquine esquissa un pâle sourire, tendant sa main d'albâtre.

- C'est d'accord. Je te crois, et je suis d'accord pour qu'on essaie.

Elle fit une pause et vrilla son regard dans celui de l'ange.

- À la condition, comme tu viens de le dire, que tu aies toujours un pieu à portée de main.

Elle garda sa main face à Kéa, attendant que celle-ci la saisisse -ou pas.
Y croyait-elle ?

Non.

Mais elle ne perdait rien à essayer.

Après tout, elle avait l'éternité devant elle.

HRP : déjà je suis vraiment désolée d'avoir mis autant de temps pour te répondre. Ensuite désolée pour la courte réponse. et enfin je penses qu'on va pouvoir clôturer le rp après ta réponse (si tu veux en faire une) car on commence toute les deux à essouffler dans nos réponses.]

-Tu peux vraiment faire ça ?

Dis la vampire avec une lueur de surprise dans ses prunelles rubis. Elle sonda avec inquisition et fébrilité le regard de l’ange. Kéa pouvait voir le tourbillon d’émotion qui submergeait la jeune femme. Finalement elle finit par esquisser un sourire et tendit une main vers l’ange.

-C’est d’accord. Je te crois, et je suis d’accord pour qu’on essaie. Elle fit une pause et vrillât son regard dans celui de l’ange. A condition, comme tu viens de le dire, que tu aies toujours un pieu à portée de main.

Une éternité pour aider cette jeune femme à trouver sa voix dans le monde qui est le siens à présent, est une opportunité que l’ange ne laisserait pas passer. Elle empoigna la mais qu’Arthémise lui tendait pour celer leur accord.

-Dans un premier temps évites de te laisser mourir de faim dans une cité tel que Sinastra. Dès que les premières prémices de la soifs se font sentir, viens me chercher et on ira chasser ensemble. Je t’apprendrais à reconnaitre les proies qui cherchent la mort comme une planche de salut, celle qui mérite de mourir, et celle pour qui la mort sera mieux que la vie.

Kéa chercha dans son sac la deuxième gourde en peau qu’elle avait rempli du sang dans cerf tuer par les loups sur le chemin. Elle la lança à la jeune femme.

- Ensuite arrange-toi pour toujours avoir de quoi te nourrir sur toi. Ça t’évitera de sauter sur la première proie qui passe qui sera sans aucun doute innocente.

Enfin Kéa attrapa un bout de parchemin et un fusain. Emme griffonna rapidement son adresse et tendit le bout de papier à Arthémise.

-Tu peux te réfugier chez moi pendant la journée. Passe la fin de la nuit dehors, prend le temps de te défouler. Puis repose-toi. Demain on commence les choses sérieuses.

Sur ces mots Kéa reprit son envol. Laissant plantée là, la jeune vampire. La nuit allait toucher à sa fin et Kéa voulait encore profiter de la nuit pour sentir l’air glisser sur sa peau.

Arthémise écoutait Kéa avec la sensation que celle-ci avait réellement le pouvoir de transcender son existence. Comme... Eh bien, comme seul un ange pouvait le faire. Chaque mot que la jeune femme prononçait était comme une braise d'espoir venant ranimer ce feu d'espérance que la vampire avait tenté par tous les moyens d'étouffer. Mais cette fois, elle laisserait briller ces flammes, et elle sentait qu'ainsi elle était sur la bonne voie. Elle avait trouvé le chemin qu'elle pouvait emprunter pour, sinon pénétrer dans la lumière, au moins sortir de la noirceur qui l'entourait depuis si longtemps. Elle prenait enfin conscience de la chance qui s'offrait à elle de pouvoir tout recommencer, et elle ne voulait plus gâcher cette chance. Depuis quelques temps, elle réalisait ce que Kéa aujourd'hui lui confirmait : elle avait le droit, -peut-être même le devoir ?- d'y croire. Une idée folle lui traversa la tête. Plutôt que de laisser ses remords la ronger à petit feu, et si elle pouvait honorer ceux qu'elle avait blessés, ou tués, en retrouvant le goût de vivre et en apprenant à gérer ce qu'elle était ? Elle avait aimé et aimait toujours aider les autres, ce qu'elle avait quelque peu eu l'occasion de faire depuis son arrivée dans la ville, quoiqu'elle se soit elle-même réfrénée de peur de faire du mal. Mais si, au contraire, elle construisait son bonheur en aidant les autres ? Et si elle réapprenait à se connaître pour comprendre qu'elle n'était pas seulement ce monstre assoiffé de sang qu'elle voyait lorsqu'elle faisait face à une glace ?

Saisissant la gourde que lui lançait l'ange, elle frémit à ses paroles.

- Ensuite arrange-toi pour toujours avoir de quoi te nourrir sur toi. Ça t’évitera de sauter sur la première proie qui passe qui sera sans aucun doute innocente.


C'était si... Évident. Et pourtant, elle n'y avait jamais songé. C'était ici la clé : admettre ce qu'elle était, sans refus, en toute honnêteté, lui permettrait d'y voir plus clair, et ainsi de mieux l'appréhender. Le contrôle, qu'elle cherchait désespérément mais à l'aveuglette, lui viendrait ainsi : par la meilleure compréhension d'elle-même.



Tu peux te réfugier chez moi pendant la journée. Passe la fin de la nuit dehors, prend le temps de te défouler. Puis repose-toi. Demain on commence les choses sérieuses.

Arthémise regarda l'ange s'éloigner, éperdue de reconnaissance. Cette étrange rencontre venait-elle confirmer ce qui depuis quelques temps mûrissait dans son esprit, ou était-elle le point de départ de ce qu'Arthémise réalisait enfin ? Toujours était-il qu'elle devait beaucoup à l'ange.

Elle pourrait enfin être elle-même.

Elle pourrait enfin être délivrée.

Elle repensa à la question qu'elle s'était posée en autant l'animalerie où Edwin l'avait recueillie à son arrivé : ce nouveau monde qui se profilait ne serait-il qu'éphémère, ou pourrait-t-il devenir sa réalité ?

Elle tenait enfin sa réponse, qu'elle acceptait enfin.

Alors, elle laissa le vent de la nuit porter un mot, sans savoir s'il se fondrait dans les méandres de ces heures mystérieuses, ou s'il se porterait jusqu'au cœur de l'ange :


- Merci...